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PLR, un bateau ivre?

Sébastien Mercier
La Nation n° 2181 13 août 2021

Le PLR descend des fleuves, impassible…

Non content d’avoir enregistré un revers cuisant après la votation sur la loi CO2 et du déchirement entre des conseillers fédéraux responsables de l’enterrement de l’accord cadre selon sa base, le voici porter à nouveau son regard vers un électorat centriste prétendument délaissé, et défendre la loi sur le mariage pour tous.

Voir le PLR prendre position de manière progressiste dans les questions de société (souvent par défaut, rappelons que ce n’est pas son terreau) n’est peut-être plus un étonnement pour grand monde. Cependant, le voir ainsi s’engager dans ces débats, où la désolidarisation avec sa base est souvent importante, étonne. Revenons sur ses choix récents, et demandons-nous si le vieux parti a décidé d’un cap ou s’il a momentanément perdu la barre.

Premièrement, le parti libéral-radical s’est trouvé des allures écologistes; l’eau verte a pénétré sa coque de sapin. Une taxe, c’est devenu libéral quand ça respecte le principe du pollueur-payeur. Bien qu’il soit désormais obligatoire pour un parti de se positionner quant aux enjeux climatiques, le voir ainsi dévorer les azurs verts a de quoi bouleverser son électorat.

La base se voyait plutôt défendre une sauvegarde du patrimoine local, un libre-échange plus durable – ainsi que l’accord avec l’Indonésie était présenté – ou encore un soutien à l’énergie nucléaire, seule énergie propre capable par sa rentabilité d’endiguer les effets néfastes, allant en grandissant, du capitalisme de nos jours.

Le vice-président Nantermod sous-entendait il y a peu sur twitter que la défaite des verts punitifs au sujet de la loi CO2 n’était pas une défaite du PLR1. Et pourtant, c’est bien un décalage entre l’électorat du parti et le grand OUI de sa direction qui est apparu… et la campagne a été perdue. Monsieur Nantermod avait raison: ce n’était pas une défaite du PLR mais bien un triple revers à travers les urnes: celle d’un parti désavoué par la majorité de ses électeurs, celle d’un parti qui perd une campagne gagnée d’avance, et enfin celle d’un parti qui voit son allié de la «majorité bourgeoise» le désavouer progressivement.

Ce fut le cas lors des mesures Covid: l’UDC menaça le deuxième siège PLR pour obtenir les assouplissements. Rebelote après la débâcle du compromis CO2. Après tout, pour les agrariens, entre un PLR écologiste et un Vert’libéral, quelle différence?

Sur l’accord cadre d’ailleurs, on semble constater un nouvel écart entre l’agissement des conseillers fédéraux et la base dirigeante du parti2.

Or il aspire à une modernité, qu’elle soit technologique ou sociétale. Cela ne signifierait-il pas incarner le centre de la fenêtre d’Overton3? Trouver le juste milieu du politiquement correct en toute circonstance. Si c’est le cas, il ne faut plus s’étonner de ses incohérences de fond. «Parfois martyr des pôles et des zones» (et on peut le comprendre), il devra à l’avenir éviter de rester «ainsi qu’une femme à genoux…». Son futur choix de soutenir la révision du code civil est peut-être le bon (pour lui), mais là encore, le bateau tangue faute de cap précis et de gouvernail robuste. Certaines bases locales choisissent plutôt la liberté de vote, voire prennent le contrepoint.

Les libéraux-radicaux, fileurs éternels des immobilités bleues, autrefois titanesques, doivent se mettre en mouvement. Prendre une paire de jumelles afin d’éviter de se couler dans un siècle où les enjeux politiques sont des enjeux de société: pas leur tasse de thé. Prendre la barre avec une personnalité forte et choisir un cap, ô que sa quille éclate, ô qu’il aille à la mer!

La bonne mauvaise nouvelle de l’année, pour lui, est la démission de sa présidente Petra Gössi qui n’incarnait peut-être malheureusement qu’une brume violette (est-ce sa faute?). Le soleil peut refaire apparition, dès janvier prochain.

S’il n’y parvient pas, son électorat se réfugiera dans le dernier halo lumineux qu’il percevra: étoiles europhiles vert-libérales d’un côté, ou Jean Rosset du plus grand parti de Suisse, de l’autre.

Notes:

1    Tweet, 13 juin 2021

2    Article 24 heures du 29.05.21

3    Spectre des positions politiques dicibles dans l’opinion publique, sous forme de courbe de gauss mesurant le politiquement acceptable.

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