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La ZAD nouvelle est arrivée!

Félicien MonnierEditorial
La Nation n° 2187 5 novembre 2021

Après le Mormont, une nouvelle zone à défendre (ZAD) a éclos à Yverdon-les-Bains. Cela s’est passé le 16 octobre, au cours d’une manifestation contre un projet de densification du faubourg de Clendy-Dessous. Après un appel à manifester notamment cosigné par la Grève du Climat et le syndicat Uniterre1, les militants ont investi espaces verts et logements vides. Dans une spontanéité toute feinte2, ils ont sorti outils et choux-fleurs pour créer entre autres un «jardin participatif», des toilettes sèches, une «zone d’expérimentation collective»3… La police ne s’y attendait pas du tout. Autorisée, la manifestation n’était pas supposée dégénérer de la sorte. A l’heure où nous mettons sous presse, les zadistes occupent toujours Clendy-Dessous, requalifié de «Quartier libre».

Le site internet alternatif Renverse.co permet de suivre les tribulations des occupants, entre «chorale anarchiste», «agora ouverte à tous.tes.x et bouffe pop», ou «critical mass4 et veillée des luttes».

Cette opération est une énième éructation de l’extrême-gauche. Les revendications des militants mélangent collectivisation de la propriété privée, libération animale, éco-féminisme et techniques alternatives de culture.

Les syndics siamois d’Yverdon ont tous deux condamné l’action. Le 19 octobre sur les ondes de la RTS, Pierre Dessemontet a étalé sa déception d’avoir été trompé par les manifestants. Dans 24 heures du 27 octobre, la Verte Carmen Tanner a osé les dépeindre comme de «prétendus écologistes». Dans La Région du 28 octobre, un militant prénommé Maël a pourtant avoué avoir espéré recevoir le soutien de la Municipalité à majorité rose-verte.

Les deux édiles devront bien admettre que leur fonds de commerce électoral se prolonge dans une nébuleuse internationale d’extrême-gauche. Osons le pari qu’entre la scène culturelle yverdonnoise et les saynètes éco-féministes des soirées de Clendy-Dessous, la seule différence réside dans la perception de subventions communales. Qui sème le vent idéologique…

On ne peut toutefois actuellement reprocher à Mme Tanner et M. Dessemontet de faire publiquement preuve de complaisance pour les occupants de Clendy. La crédibilité de tous leurs projets futurs est en jeu. Mme Tanner a déploré que cette affaire creusera les fossés politiques à Yverdon. Disant cela, elle rappelle que le désordre appelle le désordre. La division n’en est que l’une des expressions.

On se souvient qu’une fois la ZAD du Mormont évacuée, Holcim s’était empressée de détruire la maison de la Birette. Elle cherchait à empêcher un retour rapide des zadistes. Elle prit pour cela le risque de renoncer à la procédure d’autorisation de démolition, pourtant obligatoire. C’était un acte de justice propre.

Dans de telles situations, le plus dangereux est de laisser le temps s’écouler. Bien qu’illégale, une installation devenue durable gagne en légitimité. Les tensions entre occupants, autorités et propriétaires en viennent à s’enliser et le conflit est plus difficile à trancher.

L’efficacité insuffisante des règles de protection de la propriété n’est pas seule en cause. Notre rapport aux choses, en particulier immobilières, dépasse la seule liste des prérogatives qu’accorde le code civil. A Rome, le pouvoir du propriétaire était de nature à la fois religieuse et politique. Il en va toujours un peu ainsi de nos jours. La propriété défie le temps et les générations. Elle ancre en un lieu. Ce faisant elle raccroche le propriétaire et ses descendants à la communauté.

Les squatters ont le mérite de rappeler aux promoteurs que l’exercice de leur droit de propriété a des répercussions sociales et politiques. Cette conscience de la nature politique de la propriété ne saurait toutefois se passer d’une approche économique, et même de recherche d’un certain profit. Elle seule est à même de garantir l’effectivité des projets. Avec la propriété vient ainsi un principe de liberté. Sans cette dernière, la propriété n’a plus de sens.

Les questions environnementales actuelles favorisent malheureusement des convergences entre l’emprise croissante de l’Etat et le discours des squatters d’extrême-gauche. On ne saurait tolérer que cette jonction aboutisse à une collectivisation larvée et détache la propriété des personnes qui l’exercent en leur nom propre.

Contre les squatters et leurs méthodes insurrectionnelles, il faut renforcer les moyens de défense du propriétaire lui-même. Une motion d’Olivier Feller déposée en 2015 va dans ce sens. Elle tend à faciliter le recours à la police face à des occupations soudaines et illicites. Cette réforme aura notre soutien.

Notes:

1  https://renverse.co/infos-locales/article/ensemble-a-la-manifestation-reprenons-la-ville-yverdon-ville-vivante-3256

2  Dans l’édition du 28 octobre 2021 de La Région, Journal du Nord vaudois, une militante prénommée Lou a reconnu que cette action avait nécessité plusieurs mois de préparation (Greco Massimo, «Au cœur de l’occupation de Clendy-Dessous»).

3  Locution inconnue de la rédaction.

4  Une critical mass consiste en un cortège à bicyclette ayant délibérément pour fonction de perturber le trafic automobile afin de revendiquer plus de droits pour les cyclistes, entre autres minorités.

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