Toujours plus haut vers le nivellement par le bas
Le 11 mai 2011 déjà, le syndicat suisse des services publics (SSP) du Canton décrétait lors de son assemblée générale que le Pays de Vaud devait se munir d’un processus de maturité long de quatre ans, et non de trois. Le débat n’est donc pas nouveau, mais il revient sur le devant de la scène aujourd’hui: un postulat a été déposé en ce sens le 3 mars 2020, visant à anticiper les enjeux qu’entraîneraient pareilles modifications. Il a été traité et pris en considération le 16 juin de cette année par le législatif vaudois. La cause: une volonté centralisatrice de Berne qui souhaite mettre les derniers cantons romands réfractaires au diapason.
Cinq cantons (AG, FR, VS, GE, TI) comptabilisent 15 années d’enseignement en comptant le primaire, le secondaire et le Gymnase. Les autres cantons suisses n’en ont que 14. La particularité vaudoise ne réside donc pas dans la longueur du cursus, mais dans son agencement. En effet, là où la majorité des Alémaniques disposent de deux années secondaires pour quatre ans de Gymnase, quelques cantons (NE, BL, BS, JU, BE francophone, VD) séparent les années d’études en trois ans de secondaire et trois ans de maturité1. Berne souhaite-t-elle ainsi mettre au pas les cancres romands de l’éducation secondaire, en espérant voir ainsi la qualité scolaire s’améliorer?
La conseillère d’Etat Cesla Amarelle a expliqué que la révision (en 2023) serait accompagnée d’une période de transition de dix à douze ans, en 2033-20352. Il n’en faudra pas moins pour engager des moyens massifs dans de nombreux nouveaux postes d’enseignement. Et que dire des infrastructures, déjà lourdement dépassées…
Même s’il n’est plus un secret que les cantons romands sont à la traîne, la grande disparité dans les agencements en pays francophones tend bien à prouver que ce ne sont pas des années de gymnase supplémentaires qui verront une amélioration drastique en la matière. Les élèves jurassiens, fribourgeois et valaisans s’en sortent souvent mieux à l’université en première année, mais la durée de leur Gymnase est de respectivement trois, quatre et cinq ans. Genève et le Tessin, dont les gymnases sont pointés du doigt, ont un cursus en quatre années.
La volonté harmonisatrice de la Confédération ne doit pas se comprendre comme une poursuite d’excellence, mais bien comme une énième prétention centralisatrice. Elle recherche l’égalité de traitement. Mais l’égalité, c’est de traiter pareillement des situations similaires, et distinctement les situations différentes. La liberté des cantons d’agir souverainement et en bonne adéquation avec leurs particularités est encore négligée.
Pourtant, pour ceux que la qualité de l’enseignement gymnasial inquiète véritablement, les raisons sont toutes trouvées. Prenons les cantons romands qui s’en sortent le mieux: JU, VS et FR envoient environ 20% d’élèves en maturité gymnasiale. C’est environ un tiers pour VD, GE, TI, étrange coïncidence3… La volonté de transformer l’égalité de chances en égalité de résultats conduit certains cantons latins à vouloir envoyer toujours plus les étudiants au gymnase. Dans le Pays de Vaud, ils étaient 7000 en 2000, ils sont en 2020 près de 12’800, et enregistrent 500 élèves de plus qu’en 2019. Essentiellement, c’est le nombre d’élèves en maturité gymnasiale qui augmente.
En envoyant autant d’élèves au gymnase et en étalant sa durée pour en baisser encore le niveau, l’école vaudoise ne fait qu’aiguiser le couperet des années propédeutiques universitaires. Vendeuse de rêves, elle empêche les jeunes d’être confrontés à la réalité, et ne fait que retarder l’échéance. Son égalité proclamée n’est qu’une idéologie démagogique qui mène le jeune adulte à l’échec, plutôt que de permettre à l’adolescent une remise en question.
Notes:
1 http://doc.rero.ch/record/261126/files/md_ms2_p23785_p29877_2015.pdf page 5.
2 https://www.24heures.ch/vers-des-etudes-gymnasiales-etendues-a-quatre-ans-656473684471.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- La ZAD nouvelle est arrivée! – Editorial, Félicien Monnier
- La pédale fédérale – Jean-François Cavin
- La Feuille de Chêne ne jaunit pas – Jacques Perrin
- Occident express 93 – David Laufer
- Une initiative malheureusement irrecevable – Olivier Delacrétaz
- Le noble bréviaire de Vincent Grandjean – Vincent Hort
- Programme télé – Arnaud Picard
- Les Alémaniques à la rescousse du français? – Benoît de Mestral
- Deux futurs maréchaux torturés – Jacques Perrin
- De la difficulté à changer le changement – Le Coin du Ronchon