Fermer les yeux et éteindre la lumière
Une centrale nucléaire saute au Japon, les plombs pètent ailleurs, c’est l’effet papillon, s’il en reste.
Pourtant, l’analogie a suffisamment de fois été citée: une centrale nucléaire pour l’énergie, c’est comme l’avion pour le transport: un accident impressionne, mais sa rareté fait d’eux le moyen le plus sûr d’atteindre son objectif.
Son objectif: le Conseil fédéral n’en démord pas, sortir du nucléaire en 2035, parce que c’est dangereux, c’est sale et ça produit des déchets.
L’énergie, quand il s’agit de plus grandes responsabilités que le biberonnage, c’est un difficile travail de soupèsement des risques et des bénéfices.
Pour les énergies renouvelables, parlons-en:
– L’éolien, énergie renouvelable, très bien. Ça tue des oiseaux, dit-on, c’est rigolo de le dire à un écolo pour qu’il fonde en larmes, mais douze oiseaux par an par engin en moyenne, on est loin de l’extinction de masse.
La beauté est subjective pour certains, mais la mocheté d’une éolienne est une vérité objective. La violence infligée à un paysage par ces géants de béton est sans conteste écœurante. Sa rentabilité devrait être à la mesure de son gigantisme. Le problème, c’est qu’une éolienne ça tourne quand il y a du vent, ça produit huit fois moins d’énergie quand il y a deux fois moins de vent (Pvent = 1/2 rho*A*V3), et ça ne produit rien quand les régimes anticycloniques ne donnent pas de vent, et ce, dans l’Europe entière1. En termes de matériaux de construction, on frise la catastrophe écologique: il faut se dépêcher de demander 600 tonnes de béton à Holcim pour ses fondations, des métaux rares, des centaines de kilos de cuivre… C’est à penser que le bilan humain, quand il est catastrophique dans une mine à ciel ouvert chilienne, importe moins que le bilan carbone ici.
– Le solaire, énergie photovoltaïque, énergie renouvelable, très bien.
Pour satisfaire nos besoins énergétiques, 10% de la surface de la Suisse entière doit être recouverte de panneaux photovoltaïques (le canton de Berne, cité pour se représenter la surface, pas comme proposition sacrificielle). Sans compter l’intermittence: le stockage l’été d’une telle quantité d’énergie pour en bénéficier l’hiver est hors de nos moyens.
Oui, d’autres solutions existent: biomasse, centrales thermiques et énergie solaire thermique pour les renouvelables; ajoutons les progrès dans l’isolation des bâtiments. C’est une bien meilleure rentabilité que les deux exemples précités. Couplés au nucléaire, ils peuvent faire la paire avec une stratégie écologique suisse rentable, responsable et réaliste.
Les choix dictés par Berne, avec la complicité du peuple suisse il est vrai, vont mener à des pénuries d’électricité dans toute la Suisse2. Le nucléaire représentait 41% de notre électricité en 2011, dix ans plus tard il ne fournit que 20% de notre consommation. En attendant, notre pays s’est rué sur le gaz naturel, une énergie fossile, mais au nom si sympathique…
Nous sommes aussi devenus les complices de la scandaleuse campagne énergétique allemande sous Angela Merkel. Ce pays voisin, qui a fermé ses centrales après Fukushima et en a ouvert d’autres, au charbon, pour pallier son manque en électricité, nous fournit le surplus en hiver quand l’hydraulique ne suffit pas. Il n’est plus en mesure (ou en volonté) de le faire, de même pour la France, notre deuxième exportateur.
Ces dangers, c’est-à-dire la difficulté de remplacer l’énergie nucléaire par du renouvelable et le risque de dépendance étrangère, le Conseil fédéral les avait anticipés à juste titre avant la votation du 27 novembre 2016 sur une sortie abrupte du nucléaire. Cela ne l’a pas empêché, le 21 mai 2017, de ressortir sa tétine en proposant l’interdiction de construction de nouvelles centrales, avec cette fois-ci l’aval du peuple. Force est de constater que la vague verte transporte à nous son lot d’insalubrités: écologie ici au détriment d’humanité là-bas, acheter là-bas au détriment de produire ici. L’écologie est peut-être finalement un sujet de droite: l’étude de son rendement et de sa rentabilité devrait importer davantage qu’une sensibilité à fleur de peau.
Notes:
1 https://youtu.be/R4UG3Akorro
2 Le Temps, 20 octobre 2021, «Ces écueils qui peuvent mener au black-out».
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Le papillon laïque – Editorial, Olivier Delacrétaz
- Un traitement homéopathique pour les impôts – Olivier Klunge
- L’Occident face à la Chine, une question de posture – Camille Monnier
- Traces d’humanité (3) – Jacques Perrin
- Cloud de la Confédération – Jean-François Pasche
- Les Italiens devenus Vaudois – Jean-François Cavin
- Le plus petit dénominateur commun entre l’artiste et soi – Yves Guignard
- Manchots inégaux – Le Coin du Ronchon