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Des communes fâchées

Jean-Michel Henny
La Nation n° 2194 11 février 2022

De nombreuses communes vaudoises sont en bisbille avec le Canton depuis des années. La péréquation financière et la «facture sociale», aujourd’hui rebaptisée «participation à la cohésion sociale», sont à l’origine de ces difficultés.

En 2019, la participation des communes à la seule facture de la cohésion sociale s’élevait à plus de 825 millions de francs.

Les communes de Pully, Crans, Founex, Chéserex, Rolle, Gingins, Echandens, Arzier-Le Muids, Borex, Mies, Paudex, Coppet et Vaux-sur-Morges ont recouru en novembre 2020 contre la facture cantonale les invitant à payer leur participation. La commune de Pully devait verser plus de 39 millions pour la facture sociale et plus de 15 millions au titre de la péréquation intercommunale, ce qui représentait plus de 65% de ses recettes fiscales, en y incluant les autres charges cantonales. Ce pourcentage allait jusqu’à 80% des recettes de Rolle, et même à plus de 82% pour la commune de Coppet.

La Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal a rendu le 10 décembre 2021 un arrêt qui déboute formellement les communes mais leur donne raison sur le fond1. Il n’est pas opportun de résumer ici l’intégralité de cet arrêt très complet et qui examine attentivement les tenants et aboutissants de ces questions fort complexes qui s’articulent autour de la Constitution vaudoise, de la loi sur les péréquations intercommunales (LPIC), de la loi sur l’organisation et le financement de la politique sociale (LOF) et de la loi sur les communes, notamment.

La Cour cite les remarques critiques à l’encontre du système émises par la Cour des comptes en 2019, et par le Contrôle cantonal des finances en 2020, sur mandat de la Commission de gestion du Grand Conseil. Dans sa réponse aux recours, la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes admet que le système doit être réformé afin de le simplifier et d’en permettre un meilleur «monitorage».

La Cour cite un arrêt de la Cour constitutionnelle de 2006 et aboutit à la conclusion qu’elle ne peut pas rendre un jugement qui aurait pratiquement pour effet de modifier la loi. C’est la raison pour laquelle elle arrive à la conclusion suivante: « Au vu des chiffres mentionnés ci-avant, le système mis en place n’est cependant pas adéquat et entraîne des résultats qui ne sont conformes ni à l’autonomie communale définie par la Constitution vaudoise ni au principe de proportionnalité qui exige qu’il existe un rapport raisonnable entre le but visé et les intérêts publics ou privés compromis. Si la notion d’impôt confiscatoire n’est pas applicable directement au cas d’espèce, il convient néanmoins de la garder à l’esprit comme une expression du principe de proportionnalité. Il n’appartient toutefois pas au Tribunal de céans, autorité judiciaire, de définir quel est le montant maximal qu’une commune peut être amenée à verser au Canton tant pour la péréquation directe que pour la péréquation indirecte. Fixer le plafond de l’effort qui peut être exigé d’une commune au titre de la péréquation… sorte de “ bouclier fiscal ” à l’usage des communes constitue une question politique. Ainsi, c’est au pouvoir législatif qu’il reviendra de modifier la LPIC et la LOF de manière à ce que l’autonomie communale voulue par le Constituant et le principe de proportionnalité soient respectés. Au vu des normes en vigueur, le tribunal de céans ne peut qu’en appeler au pouvoir législatif mais ne peut ni annuler ni réformer les décisions attaquées.»

Les communes ont certes perdu la bataille, mais cet arrêt leur ouvre la voie à des modifications législatives. Le Canton, qui a d’ailleurs passé un accord avec l’Union des communes vaudoises en août 2020, se dit prêt à simplifier le système. Lorsque le Grand Conseil devra débattre de l’initiative de l’Association des communes vaudoises (SOS Communes), il aura l’obligation de se pencher sur ces questions qui enveniment les relations du Canton avec les communes. L’espoir d’un retour à la sérénité est permis.

Notes:

1  https://www.vd.ch/themes/justice/jurisprudence-et-lois/jurisprudence-du-tribunal-cantonal-et-du-tripac; GE.2020.0204

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