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Eloge des limites

David Verdan
La Nation n° 2194 11 février 2022

J’ai toujours été angoissé par l’illimité. La simple pensée de l’infini ou de l’éternel me provoque nausées et angoisses. Or donc, par opposition, j’apprécie ce qui est limité, modéré, défini. Un proche m’a dit une fois que l’on aime vraiment autrui pour ses limites et non pour ses forces. Je ne peux qu’abonder dans son sens. La personne limitée est attendrissante alors que la personne toute puissante est ennuyeuse, voire effrayante. Et de plus, quoi de plus ennuyeux qu’un personnage invincible? Même Achille a son talon! Prenons les Evangiles: toute l’humanité – et donc la proximité – du Christ ne se révèle-t-elle pas dans ses pleurs et l’angoisse qui le saisit dans le jardin des Oliviers?

Mais revenons à l’ici et maintenant; de toutes les limites, celles que j’apprécie peut-être le plus sont celles de mon Pays de Vaud. De fières montagnes, ni trop hautes, ni trop basses, dressées devant un lac de juste taille délimitent l’horizon méridional de ma Terre. De l’autre côté, de douces collines, légèrement dégarnies sur leur sommet, accueillent chaque soir notre ami Jean Rosset qui réchauffe de ses rayons nos solides coteaux et fait dorer nos champs du Gros-de-Vaud. Mon Pays de Vaud est ainsi dessiné par cette puissante géologie qui tout à la fois humilie l’homme et forge son caractère. Ni trop ouvert, ni trop fermé, le Vaudois est à l’image de ce morceau de terre si naturellement et finement délimité par le Créateur. Loin de lui l’hubris mercantile ou conquérante des peuples maritimes ou, à l’inverse, le repli sur soi parfois farouche des peuples montagnards.

Finalement, en tout point du Canton, l’homme du Pays de Vaud a ce privilège qu’il n’a qu’à lever la tête pour se situer dans l’espace, montagnes et collines lui permettant de se représenter l’ensemble de son précieux Oikos au milieu du chaos du reste de l’univers.

Avant toutes choses, le Pays de Vaud – comme la Suisse par ailleurs – est le pays de la mesure. Ne versons donc pas dans la démesure!

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