La mobilité individuelle sera immobile et collective
Imaginez les réactions si un politicien facétieux proposait d’adapter la législation afin de faciliter la propagation de tel ou tel virus sournois dont personne ne veut. Cette comparaison nous vient à l’esprit lorsque nous apprenons que la Confédération propose de modifier l’ordonnance sur la sécurité routière afin de faciliter la création de zones limitées à 30 km/h. Qu’y a-t-il encore à faciliter, alors que cette vitesse de limace languissante semble devenue l’horizon indépassable du lobby de l’anti-mobilité, qui se promet de nous l’imposer en tout lieu et à toute heure?
A cet égard, on saura gré à une récente étude scientifique (pour une fois qu’une étude scientifique va dans le bon sens!) d’avoir démontré qu’une voiture pollue autant à 30 km/h qu’à 130. On réalise ainsi que seuls comptent les chiffres des dizaines et des unités; ce qu’on met devant n’a aucune importance. Pour tenir compte de cette avancée scientifique de premier ordre, les panneaux de signalisation routière de la capitale devraient logiquement indiquer «x30». On pourrait alors utiliser les mêmes modèles sur les autoroutes.
Mais ce n’est pas tout. La Confédération ne propose pas seulement de ralentir le trafic routier, elle suggère aussi de le densifier en encourageant le covoiturage. Des pistes, des routes, mais aussi des places de parc, indiquées par des panneaux explicites, seront réservées aux seuls véhicules transportant une ou plusieurs personnes en plus du conducteur. La perspective séduit déjà ceux qui rêvent de foncer à toute allure sur les voies de bus. Mais de tels privilèges renforceront surtout les inégalités sociales puisque les conducteurs fortunés auront les moyens d’engager des figurant-e-s pour siéger dans leur véhicule matin et soir. L’application de ce système aux places de parc promet aussi un joyeux casse-tête. Des caméras enregistreront-elles le nombre de passagers à l’arrivée et au départ? Comment sera alors traité l’automobiliste écoresponsable qui aura fait descendre ses six compagnons de route avant d’aller se parquer? Et celui qui, en fin de journée, se retrouve abandonné par ses collègues qui préfèrent aller boire des bières avant de rentrer? Là encore, il faudra trouver des figurants…
Après tout, peut-être est-ce là un métier d’avenir: même si vous n’avez aucune formation, que vous ne maîtrisez aucune langue locale ou que vous êtes «en situation de handicap», vous pouvez devenir covoituré professionnel, ou intermittent du covoiturage, ou encore, pour les plus ambitieux: accompagnant en automobile. Sans oublier que si vous êtes payé à l’heure et que l’automobile en question ne peut pas dépasser les 30 km/h, vous aurez toutes les chances de maximiser votre revenu.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Neutralité – Editorial, Félicien Monnier
- Une belle messe contemporaine – Frédéric Monnier
- Question de repères – David Verdan
- Sus aux SUV! – Jean-Blaise Rochat
- Les liens qui libèrent – Olivier Delacrétaz
- Les autruches fédérales – Jean-François Cavin
- La Suisse trahie par les siens – Pierre-Gabriel Bieri
- Nouvelle collection – Rédaction
- Pour une écologie nationale – Lionel Hort
- Occident express 98 – David Laufer