Des chiffres aux lettres
Pierre Santschi est mathématicien; c’est dire qu’il s’y connaît en chiffres. Et voici que, du fond de sa retraite, il se tourne vers les mots, en publiant un recueil de «stances politico-philosophiques» sous le titre «…du Déni du béni au labo du beau, grâce à mots émaux dans des vers sévères». On comprend avant d’avoir commencé que l’auteur va jongler avec le vocabulaire…
Comme l’auteur l’écrit lui-même, le genre du pamphlet politico-sociétal en vers classiques n’est pas courant; il est ici utilisé avec scrupule quant aux règles, le nombre des pieds – sept, neuf, dix, douze et même quatorze selon les couplets – étant précisément observé et les rimes enchâssées avec soin. Le choix de la forme poétique permet peut-être aussi à cet esprit libre de prendre quelque distance avec le message, car l’opuscule nous réserve certaines surprises.
Ainsi, l’ex-candidat au Conseil d’Etat déteste l’Etat, présenté comme tyrannique, vorace, aveugle et corrompu:
Les vrais oripeaux du pouvoir
Sont la peur, la rapacité,
Le mensonge et l’opacité.
Qui les revêt ne veut le voir...
ou encore:
L’Etat, de plus en plus, se transforme en cancer
Qui lance en tous les sens d’actives métastases […]
L’ancien conseiller communal et député écologiste se méfie des partis et, dans son projet politique qui clôt l’ouvrage sous forme des Rêveries d’un politicien solitaire, il ne leur réserve qu’une petite partie des sièges d’un parlement constitué pour l’essentiel par tirage au sort.
Mais l’écologiste frugal, lui, est fidèle au poste dans son hostilité à la finance:
Quand reconnaîtra-t-on la vraie « économie»,
Qui n’est pas les banquiers, mais ceux qui les subissent;
Paysans, ouvriers, et les vrais travailleurs […]
Et la causticité fait place à l’émerveillement devant la Création quand Santschi devient philosophe:
Dieu veut-il l’homme esclave, ou veut-il le voir libre,
Avec le cœur en joie et sa vie qui vibre,
Où il goûte le beau offert devant ses sens?
N’est-ce donc pas ainsi que son être prend sens?
Et puisque notre auteur aime les jeux de mots, alambiqués ou faciles, choisissons la facilité; et disons que le lecteur prend un amical plaisir à suivre l’attachante personnalité du paléo-écolo grâce aux vers du Vert.
Référence:
Aux éditions Eclectica, 110 p., préface de Pascal Vandenberghe.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- La mort d’une reine – Editorial, Félicien Monnier
- Le génie du mal – Lars Klawonn
- Le grand écart – Olivier Delacrétaz
- Encore le gymnase en quatre ans et nouvelles surprises – Yves Gerhard
- Fils de pasteur – Jacques Perrin
- Retour à Beaulieu – Jean-François Cavin
- Le gnouf des pignoufs – Le Coin du Ronchon