La sécurité à n’importe quel prix

L’automobile est un symbole de liberté. En musique, au cinéma, en bande dessinée, on n’en trouve que rarement une autre image. Et cette image subsiste, bien que nos autoroutes soient congestionnées du lever du jour au milieu de la nuit. L’obtention du permis à dix-huit ans, surtout lorsqu’on a le bonheur de ne pas habiter Lausanne, c’est l’envol. Les road trips indolents, un lieu à soi, la liberté de fumer, de chanter à tue-tête, d’aller à sa guise à tel giron ou à tel musée, de rendre visite à cette étudiante tessinoise rencontrée l’été précédent.

Si cette image inspire déjà une certaine nostalgie à la plupart de nos lecteurs, elle risque bien de ne jamais se réaliser pour les jeunes en passe d’atteindre la majorité. En effet, depuis juillet, les voitures neuves doivent être équipées d’une «boîte noire», qui enregistre les caractéristiques de conduite pour qu’elles puissent être utilisées par la police en cas d’accident; il s’agit là du résultat d’un règlement européen que nos autorités ont repris avec le courage qui les caractérise. Dans la même veine, le Conseil fédéral a mis en consultation l’été dernier une nouvelle vague d’adaptations législatives dictées par l’UE qu’il qualifie de «pionnier mondial». Parmi ces innovations, on trouve l’obligation pour les voitures neuves dès l’été prochain de surveiller en permanence l’état d’éveil du conducteur, d’être prêtes à recevoir un éthylomètre anti-démarrage, ou encore d’agir sur la pédale d’accélérateur (!) afin d’alerter le conducteur de son excès de vitesse. La Feuille ajoute dans un article de juillet que «à l’avenir, le système pourrait même intervenir en amont et vous empêcher de dépasser la vitesse maximale»¹. Face à ces nouvelles voitures électriques, automatisées et capitonnées, peut-être les jeunes de demain s’arracheront-ils l’auto de grand-papa, ses pannes, sa rouille, sa consommation d’huile, sa liberté.

 Notes

¹   24 heures, article en ligne d’Arthur Grosjean du 10 juillet 2022.