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Histoire et avenir du protectionnisme

Benjamin Ansermet
La Nation n° 2223 24 mars 2023

Le protectionnisme n’a pas bonne presse. Pourtant, son histoire n’est pas si catastrophique qu’on pourrait le penser et plusieurs signes montrent qu’il pourrait bien revenir en force plus vite que prévu. Les lecteurs qui souhaiteraient approfondir la question pourraient se plonger avec profit dans le «Que sais-je?» publié en 2022 par l’économiste Jacques Sapir. Simplement titré Le protectionnisme, l’ouvrage est court (126 p.) mais relativement dense, offrant un beau panorama du sujet.

Une grande partie du livre est consacrée aux débats théoriques depuis le XVIIIe siècle jusqu’à nos jours. Les grands arguments du libre-échange sont décrits et critiqués, notamment concernant le grave manque de réalisme de leurs hypothèses de base. Elles laissent globalement de côté la notion de processus ou la prise en compte de l’évolution des économies et du progrès technique. Tel auteur suppose une absence de changement de comportement – dans l’investissement et la consommation – lorsque les acteurs connaissent une hausse de leur revenu. Tel autre suppose que le changement de secteur d’activités des travailleurs se ferait sans obstacles tandis qu’il néglige la mobilité des travailleurs et du capital entre pays. La plupart ne différencie pas protectionnisme et autarcie. Tant d’éléments qui remettent en cause les différents modèles.

D’autre part, Sapir revient sur les principaux penseurs du protectionnisme, Friedrich List en tête. Ces auteurs redonnent une place à la politique, aux nations, à leur souveraineté, à leurs différences de productivité et aux effets des processus historiques. La protection des industries naissantes doit permettre un développement à l’abri de la concurrence des pays plus développés et ainsi la substitution des importations.

En plus de l’aspect théorique, le livre retrace les applications concrètes du libre-échange et du protectionnisme, ainsi que leurs conséquences respectives, depuis la seconde moitié du XIXe siècle. La réalité contredit à plusieurs reprises la théorie du libre-échange. Les observations semblent lier ce dernier à une hausse des inégalités et à une baisse de la croissance. En effet, cette dernière serait moins liée au commerce qu’au développement interne, favorisé par le protectionnisme et les politiques macroéconomiques. Sapir conteste également l’opinion voulant que le protectionnisme ait aggravé la crise de 1929 et retrace les pressions des puissances coloniales ou des États-Unis – via le GATT puis l’OMC – pour imposer le libre-échange à d’autres pays.

Le livre se termine sur une évaluation des tendances récentes qui laissent présager un retour du protectionnisme, notamment via l’augmentation des mesures de protection non tarifaires au nom de la protection des consommateurs, de l’environnement ou de la santé. La place de la Chine, du Covid-19 ainsi que le rôle moteur des Etats-Unis sont aussi abordés. Ce retour nécessite toutefois de reconsidérer le rôle de l’Etat et de la nation en économie et en politique. Débat et évolution à suivre.

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