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Marcel Regamey, Davel et le «problème vaudois»

Rédaction
La Nation n° 2226 5 mai 2023

«L’objet de la mission de Jeanne d’Arc est le même que celui de la mission de Davel mais sous une forme positive. Jeanne d’Arc, envoyée par Dieu pour libérer la France d’une autorité illégitime, va droit au but: elle désigne le vrai roi et l’emmène à Reims pour le sacre. Jeanne d’Arc manifeste la légitimité de la royauté française. Davel manifeste l’absence de pouvoir légitime en Pays de Vaud et la tragique nécessité de cette autorité.

Que cette manifestation ait été voulue et ordonnée de Dieu ou qu’elle résulte simplement des faits, la portée du sacrifice de Davel demeure le même. Ce sacrifice pose en des termes d’une netteté si vive le problème vaudois qu’il prend une valeur permanente et toujours actuelle. Davel n’est pas un exemple à suivre. Sa mort est comme un lieu de rencontre où s’évanouissent toutes les fausses gloires, les fausses sécurités, les fausses libertés, la fausse morale des Vaudois.

Non seulement nous apprenons, mais nous éprouvons en la personne de Davel les conséquences mortelles de notre infirmité nationale. La grandeur du sacrifice de Davel nous interdit de nous satisfaire de la situation présente, elle nous oblige à consacrer nos efforts à la seule chose essentielle, la restauration d’un principe vivant de légitimité et d’union, elle nous oblige à engager notre personne dans cette action. Plus encore, elle nous révèle la vraie nature de l’autorité: est légitime l’autorité qui peut se charger de la responsabilité de tout le peuple. Aux Vaudois, qui se contentent de leur vie tranquille, de leur position sociale, de leur morale individuelle, aux Vaudois qui refusent de se lier à l’action politique par souci de garder une vocation personnelle indépendante, on peut déclarer qu’ils continuent à voter la mort de Davel comme nos ancêtres les bourgeois de la rue de Bourg.

Et à nous autres qui consacrons tous nos efforts à rallumer la vie du pays, à lui rendre une âme, une volonté, le sacrifice de Davel nous donne la certitude que le Pays de Vaud n’est pas une idée abstraite, une construction de l’esprit, puisqu’il a mérité, à son époque la plus obscure, qu’un homme mourût pour lui.»

Référence:

Marcel Regamey, «Davel», conférence présentée à la Section vaudoise de la Société d’étudiants de Zofingue le vendredi 8 mai 1936, in Cahiers de la Renaissance vaudoise n° 17, Lausanne 1936, p. 42.

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