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Lex Covid: cinquième saison

Félicien MonnierEditorial
La Nation n° 2227 19 mai 2023

Plusieurs mouvements, dont les Amis de la Constitution, Mass-voll (ou «La coupe est pleine») et le Mouvement fédératif romand, ont fait aboutir un référendum contre la cinquième version de la loi Covid.

On se souvient qu’au printemps 2020, le Conseil fédéral avait adopté un train de mesures pour lutter contre la pandémie. Ces mesures devaient reposer sur une base légale. Les mesures proprement sanitaires se fondaient sur la loi sur les épidémies et sa «situation extraordinaire», sorte de droit sanitaire d’urgence. Le Conseil fédéral prit les autres mesures, notamment économiques, en recourant à l’art. 185 de la Constitution, qui l’autorise à «parer à des troubles existants ou imminents menaçant gravement l’ordre public, la sécurité extérieure ou la sécurité intérieure». La Nation avait alors mis en doute que cet article permette des mesures relatives à l’assurance-chômage.

Ces mesures ne pouvaient cependant durer que six mois. Passé ce délai, le Parlement devait les ratifier. C’est là qu’intervint la Lex Covid. Son nom complet indique clairement sa fonction: «Loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l’épidémie de COVID-19». La première version fut votée le 25 septembre 2020. Pour compléter ce grand Chelem, le Parlement a assorti la loi de la fameuse clause d’urgence. Grâce à elle, la loi pouvait entrer en vigueur avant qu’un référendum n’ait eu lieu. Le 16 décembre 2022, les Chambres ont voté – toujours sous le sceau de l’urgence – une modification autant qu’une prolongation (partielle) de la loi. Nous voterons à ce sujet dans un mois.

Cette brève histoire de la Lex Covid est un concentré de byzantinisme législatif fédéral. Lors du deuxième vote, le 20 novembre 2021, des interrogations d’une bien trop grande subtilité s’étaient élevées à propos des conséquences concrètes d’un vote négatif1. Le projet prochainement soumis au vote complexifie encore ce bouquet composé de règles toutes plus inhabituelles les unes que les autres. L’immense confusion qu’il engendre doit trouver un terme. Lorsque le politique manipule des outils qui lui échappent, il renforce le pouvoir de l’administration. C’est un premier motif pour voter NON.

Le projet prolonge la validité des règles sur l’approvisionnement en médicaments, sur la gestion des frontières, l’application de traçage Swiss-Covid et sur le certificat Covid. Il institue d’autre part deux nouveautés. Le Conseil fédéral gagne le droit d’ordonner aux employeurs des mesures spécifiques de protection des «travailleurs vulnérables». Les cantons reçoivent surtout l’obligation de financer les réserves de capacité de leurs systèmes de santé. Celles-ci doivent permettre d’affronter les pics d’activité hospitalière liés à une éventuelle recrudescence de la pandémie. On retrouve derrière cette injonction le même paternalisme centralisateur qui suinte de la loi climat.

L’argumentation du Conseil fédéral est simple: la crise n’est pas finie, et le mal peut revenir. Lorsqu’il sert à justifier les pouvoirs de notre Etat fédéral, un tel discours est particulièrement dangereux, tant il permet, sous le couvert de simples hypothèses, de priver les Cantons de leurs compétences et de leur imposer des obligations.

Il est évidemment difficile de savoir si la crise est absolument finie. On retiendra quand même, malgré nos réserves pour ce type d’organisations, que le comité de l’OMS en charge du suivi de la pandémie vient de déclarer que «la COVID-19 est maintenant un problème de santé établi et à caractère persistant qui ne constitue plus une urgence de santé publique de portée internationale» 2. Cela ouvrirait la voie au suivi du Covid comme d’une maladie ordinaire.

Il y a un vice fondamental à conserver les outils du droit d’urgence pour faire face aux résurgences éventuelles d’une maladie. Le droit d’urgence doit servir à conjurer une menace imminente. Mi-mars, la faillite de Crédit Suisse dans les prochains jours réalisait un tel cas de figure. Mais la possibilité que les cantons ne financent pas leurs capacités hospitalières de réserve est très loin de constituer un cas d’urgence. Le technocratisme de cette mesure le démontre par elle-même: il s’agit d’une mesure sévère de planification hospitalière qui doit s’intégrer à une réflexion plus vaste. La première question à laquelle il faudra répondre étant la légitimité de la Confédération à imposer aux cantons des coûts d’infrastructures supplémentaires. Cette fausse urgence fantasmée constitue un autre motif de voter NON.

L’argumentation du Conseil fédéral laisse entrevoir que la gestion «ordinaire» du Covid se fera par une série de prolongations continuelles de la Lex Covid. Par crainte d’un vide législatif, on en fera une loi fédérale urgente perpétuelle. Il faut casser cet engrenage.

La manière de faire des Chambres et du Gouvernement soustrait systématiquement la loi aux règles usuelles de la démocratie directe. Ce procédé s’étendra à tout ce que le législateur jugera urgent. Or nous savons que les exceptions tendent à devenir des usages lorsqu’on n’y met pas suffisamment vite un terme. Voter NON permettra de ralentir la prise d’une très mauvaise habitude de dépossession du peuple et des cantons.

Notes:

1   «Une loi dans la loi?», La Nation n°2174 du 7 mai 2021.

2   Déclaration sur la quinzième réunion du Comité d’urgence du Règlement sanitaire international (2005) concernant la pandémie de maladie à coronavirus 2019 (COVID-19), du 5 mai 2023.

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