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NON à l’urgence fiscale

Antoine Rochat
La Nation n° 2227 19 mai 2023

L’un des trois objets des votations fédérales du 18 juin prochain cherche à introduire un nouvel impôt fédéral. Il s’intitule «Mise en œuvre du projet de l’OCDE et du G20 sur l’imposition des grands groupes d’entreprises».

Il y a une année, nous avions évoqué dans ces colonnes l’opposition du Conseil d’Etat vaudois à ce projet centralisateur1. Voyons de quoi il s’agit.

Le texte constitutionnel

Les autorités proposent au peuple et aux cantons d’introduire dans la Constitution fédérale un nouvel article 129a, dont le premier alinéa a la teneur suivante:

La Confédération peut édicter, pour les grands groupes d’entreprises, des dispositions sur une imposition dans l’Etat du marché et sur une imposition minimale.

L’alinéa deux se réfère aux normes internationales. L’alinéa trois permet à la Confédération, «pour préserver les intérêts de l’économie suisse», de déroger à plusieurs principes fiscaux, tels qu’ils sont définis par la Constitution (universalité, égalité de traitement, capacité économique, taux d’impôts maximaux, dispositions d’exécution, exceptions à l’harmonisation fiscale).

Ce texte donne un pouvoir énorme à l’Etat fédéral, mais ce blanc-seing est cependant limité par les dispositions transitoires du même arrêté soumis au vote du souverain.

Les dispositions transitoires

La place nous manque pour présenter en détail le projet d’article 197 chiffre 15 de la Constitution fédérale, qui s’étale sur deux pages et plus de septante lignes!

Le premier alinéa donne au Conseil fédéral le droit de légiférer par voie d’ordonnance, jusqu’à l’entrée en vigueur d’une loi fédérale (qui doit être adoptée dans un délai de six ans).

Le deuxième alinéa comprend dix principes (chiffres d’affaires minimal de 750 millions d’euros, taux d’impôt minimum de 15% sur le bénéfice, part de l’impôt perçu en Suisse, etc.), qui fixent le cadre de ce nouvel impôt.

Sept autres alinéas règlent différentes questions (exécution par les cantons, répartition du produit de l’impôt entre les cantons et la Confédération, influence sur la péréquation, affectation du produit de l’impôt, …).

Une méthode discutable

Nous peinons à comprendre la méthode utilisée par le législateur fédéral. Normalement, une modification constitutionnelle doit être mise en œuvre dans une loi, elle-même précisée ensuite dans une ordonnance.

Pourquoi faudrait-il en l’occurrence inverser les deux dernières phases du processus? Pour respecter les contraintes internationales (OCDE et G20) et percevoir ce nouvel impôt dès le 1er janvier 2024.

Si l’on suivait la procédure usuelle, une partie de la manne fiscale risquerait de profiter temporairement à d’autres pays que la Suisse. Mais sommes-nous vraiment certains que les autres pays concernés vont tous mettre en œuvre ces dispositions aussi rapidement?

Conclusions

Après l’urgence climatique, l’urgence sanitaire et l’urgence énergétique, voici donc l’urgence fiscale! Nous pensons que la méthode de légiférer est inopportune et qu’elle risque de créer un précédent fâcheux.

En réalité, il n’y a aucune urgence à augmenter les impôts, fussent-ils à charge des grands groupes d’entreprises.

Le maintien des principes fiscaux, tels qu’ils sont garantis par la Constitution fédérale, nous paraît plus important que l’alignement immédiat sur des normes internationales. Nous voterons NON à l’urgence fiscale le 18 juin.

Notes:

1   «Une réponse fédéraliste du Conseil d’Etat», in La Nation n° 2201 du 20 mai 2022.

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