Les Rochat, une saga
Longtemps les Rochat ont été médaille d’or du nom de famille le plus répandu dans le Canton. Las! c’était autrefois et désormais ils ont dû quitter le podium devant la vague lusitanienne des da Silva, Ferreira et Pereira. Accrochons-nous donc à la fragile dernière consonne qui nous distingue encore des nombreux Rocha ou da Rocha du Portugal et du Brésil.
Mais baste, le patronyme est suffisamment diffusé pour mériter la publication d’un ouvrage sur l’histoire de la famille. Et quel pavé! Deux kilos et demi et six cents pages d’érudition sans pédanterie, d’histoire générale et particulière, d’héraldique entre réalité et mythologie familiale, de portraits révélateurs de la société et de leur époque. L’objet a fière allure, sous sa couverture toilée noire qui s’inspire du blason familial de sable à la roue d’or à huit rayons. Ce monument est né de la folie d’un homme, Loïc Rochat, initiateur du projet, soutenu par la collaboration d’une vingtaine de spécialistes.
La singularité de cette famille est d’avoir un ancêtre commun identifiable: la génétique moderne a pu établir que tous les Rochat sont cousins, grâce à un marqueur héréditaire baptisé du doux nom de FT395000. Il prouve aussi que les familles comtoises Rochet et Ferreux sont apparentées aux Rochat. Il est donc possible de faire un arbre généalogique remontant jusqu’au XVe siècle.
L’ancêtre unique, Vinet Rochat, maître de forge, a quitté en 1480 avec ses trois fils le village de Villedieu, paroisse de Rochejean en Franche-Comté, pour établir son industrie au bord de la Lionne, ruisseau voisin de l’abbaye, concession octroyée par l’abbé du couvent prémontré Sainte-Marie Madeleine du lac de Joux. Les Rochat ne sont donc pas passés de France en Suisse, mais de Bourgogne en Savoie; du diocèse de Besançon à celui de Lausanne.
Cette famille est pionnière dans l’industrialisation de la Vallée de Joux, de la sidérurgie du XVe siècle à la microtechnique actuelle, en passant bien sûr par l’horlogerie. Mais pas seulement: les Rochat se sont distingués dans d’autres domaines, politique, religieux industriel, etc. Ainsi, cet ouvrage, magnifiquement présenté et richement illustré, offre une histoire du Pays de Vaud à travers la destinée de cette famille comtoise, devenue tribu vaudoise. Parmi les documents, on relèvera le fac-similé de l’acte d’abergement du 28 janvier 1480, sa transcription, sa traduction et une étude exhaustive signée Alexandre Pahud.
Référence: Loïc Rochat (sous la direction de), Les Rochat, de la famille comtoise à la tribu vaudoise; l’histoire, Gollion, édition Infolio, 2022.
Note: Un complément strictement généalogique est en préparation dont la publication est prévue pour 2025.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Mouvement écologique perpétuel – Editorial, Félicien Monnier
- Canton – Pierre-Gabriel Bieri
- Sièges éjectables? – Jean-François Cavin
- Passé simple, un numéro sur Orbe – Yves Gerhard
- La civilisation n’est pas un cadre politique – Olivier Delacrétaz
- Revendication du salami – Benoît de Mestral
- Au service de l’histoire constitutionnelle suisse – Lionel Hort
- Comprendre – Jacques Perrin
- Le siècle des limaces – Le Coin du Ronchon