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Drogues à Lausanne: on n’arrête pas le progrès

Lionel Hort
La Nation n° 2249 22 mars 2024

Lors d’une émission radio des Beaux parleurs, l’humoriste Nathanaël Rochat s’amusait du fait que le premier local d’injection lausannois était non-fumeur, car «faut pas déconner avec la santé».

Détestables paradoxes que ces politiques publiques qui mêlent hygiénisme, libéralisation et institutionnalisation. Nouvel exemple: dans la capitale cantonale, on peut depuis quelques mois acheter du cannabis de production «bio et locale» dans le cadre d’un projet pilote de la Ville, ridiculement intitulé CANN-L et instaurant un «point de vente de cannabis à but non lucratif» (nous soulignons). L’échoppe est située rue du Maupas 7 et pourvue d’un «habillage de vitrine sobre». Le projet serait «clairement orienté vers la protection de la santé». Hélas, nous n’inventons rien1.

Une équipe de vente et une équipe scientifique liée à Addiction Suisse gèrent les 1800 Lausannois attirés par l’expérience et répondant aux critères de la législation fédérale (les mineurs et les femmes enceintes ne sont pas encore admis)2. Les participants sont dotés d’une carte personnelle permettant d’acheter le cannabis et d’en justifier la possession en cas de contrôle de police. L’idée est de «mieux comprendre la consommation de cannabis tout en renforçant la prévention», c’est-à-dire de proposer des conseils médicaux aux consommateurs tout en leur vendant de la drogue, et de «réduire le marché illégal et les nuisances qu’il engendre» en devenant dealer soi-même.

Le point de vente et l’étude scientifique sont évidemment financés par les contribuables vaudois et les conclusions de l’étude sont déjà écrites: on prépare la légalisation. Et dire – encore un paradoxe – qu’Addiction Suisse, qui reçoit ici un juteux mandat, était à l’origine issue des milieux abstinents.

Rappelons quelques vérités. Les drogues sont du poison. De synthèse ou «naturelles», il s’agit de substances psychoactives qui altèrent l’esprit et enchaînent l’homme. L’accoutumance aux drogues prétendument douces peut mener à des habitudes de consommation toujours plus graves. Normaliser le produit d’entrée de gamme est particulièrement irresponsable, et une insulte aux personnes tentant de s’extraire de leur dépendance, d’autant plus que sont bien établis les liens entre consommation de drogue et risques liés aux maladies mentales.

La société de consommation génère d’innombrables comportements addictifs. Le quidam est déjà suffisamment bombardé d’incitations diverses à consommer alcool (social ou pas), café, sucre, tabac, Tik Tok et Tribolo pour que les autorités se permettent d’ajouter d’autres substances fâcheuses à cet inventaire de tentations.

Ajoutons que la régularisation (dépénalisation ou légalisation) va à l’encontre de l’idée même de prévention, qui implique un danger à prévenir, pourtant au cœur de la politique suisse des quatre piliers (prévention, thérapie, réduction des risques et répression) dans laquelle est censée s’inscrire l’action du Canton et de la Ville.

On répète que l’abstinence, le sevrage et la répression ont échoué à combattre trafic et consommation de drogue. Nous constatons quant à nous que, pour des raisons générationnelles, l’environnement culturel et social est devenu de plus en plus hostile à ces approches alors que les drogues – douces mais pas uniquement – sont de plus en plus acceptées comme produits récréatifs.

Ainsi, les boomers de la Municipalité de Lausanne et d’Addiction Suisse, manifestement tous héritiers de l’esprit libertaire de 68, appliquent leur politique dangereuse à une génération de jeunes gens éduqués dans la même ambiance à coups de Suprême NTM, Tryo et Ska-P, manière de contre-culture (notamment musicale) à la petite semaine qui ferait sourire si elle ne participait pas de l’essor actuel des phénomènes addictifs.

Dernière idée géniale discutée au Conseil communal de Lausanne: un point de vente similaire au projet CANN-L consacré à la vente régulée de… cocaïne3. Grand succès dans la lutte contre les addictions: Lausanne aura bientôt ses deux locaux d’injection et ses supermarchés de drogues dures et douces.

Notes:

1      Communiqué de presse du 3 octobre 2023 de la Ville de Lausanne intitulé «Vente régulée de cannabis – Le projet CANN-L démarre».

2     La loi fédérale sur les stupéfiants (LStup) règle la fabrication, la distribution, l’acquisition et la consommation des stupéfiants et des substances psychotropes contrôlés par l’Etat. Depuis 2021, l’art. 8a LStup autorise des essais pilotes de ventes contrôlées de cannabis.

3     Postulat du 22 septembre 2023 de M. Johann Dupuis et consorts intitulé «Un projet pilote de vente contrôlée de cocaïne pour réguler le marché noir».

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