Les Verreries… et notre approvisionnement
Fait rarissime, et peut-être sans précédent, nos deux conseillers aux Etats ont signé ensemble une tribune parue dans la presse vaudoise, disant combien ils sont alarmés par la fermeture envisagée de la verrerie de Saint-Prex et combien ils soutiennent les efforts du personnel et des autorités visant à maintenir cette production. Leur déclaration solennelle fait suite à la résistance du personnel (qui a refusé une prime versée en échange de l’acceptation de la fermeture), à une déclaration du Conseil d’Etat disant sa préoccupation et ses démarches à ce propos, à une pétition assez largement signée.
L’entreprise Vetropack explique que l’équipement de l’usine de Saint-Prex – la seule en Suisse à produire du verre d’emballage – est vieilli, que les investissements à consentir sont lourds, qu’une modernisation serait probablement inrentable; elle n’envisage sûrement pas la fermeture à la légère. Elle dit aussi qu’elle maintiendrait les activités suisses de recyclage du verre (mais pour en faire quoi et où?). Nos sénateurs laissent entendre que le propriétaire serait enclin à abandonner ce lieu de production (il en a huit autres en Europe) pour vouer à l’immobilier des terrains bien situés pour cela. Si c’est vrai, ce n’est pas à la gloire d’une maison au beau passé industriel familial.
Nous ne connaissons pas assez l’entreprise et la branche pour nous prononcer. Rêvons un peu. Vetropack reconnaîtrait que l’avenir de l’usine relève d’un intérêt général qui dépasse celui de ses actionnaires. La société expliquerait donc publiquement, chiffres en mains, la situation économique; elle indiquerait à quel prix et avec quels délais elle pourrait approvisionner nos brasseurs et nos vignerons depuis ses fabriques de l’étranger; elle décrirait l’avenir du recyclage. De son côté, la cellule d’enquête de Tamedia, au lieu de nous bassiner avec des affaires de financiers internationaux plus ou moins louches qui ne nous touchent guère, présenterait un dossier sur l’industrie du verre d’emballage, la situation concurentielle, les besoins du pays, les risques d’une dépendance de l’étranger. On verrait alors si la pression publique doit se renforcer sur le groupe verrier, voire si une aide d’Etat serait justifiée.
Derrière le cas de Saint-Prex se pose toute la question de la capacité industrielle nationale et de la sûreté de notre ravitaillement. Nous n’allons certes pas plaider pour l’autarcie ou pour un protectionnisme systématique. Mais la période du COVID a montré la fragilité de nos ressources dans plusieurs domaines; encore aujourd’hui, des médicaments font défaut. Il est douteux que les autorités en aient vraiment tiré la leçon pour garantir autant que faire se peut, dans une économie mondialisée, la conservation de certains savoir-faire et la sécurité de notre approvisionnement.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Chante, déesse, la colère d'Achille... – Editorial, Félicien Monnier
- Le dilemme des salaires minimaux – Jean-François Cavin
- Pitié pour nos yeux – Jean-Blaise Rochat
- Libre-échange, protectionnisme et souveraineté – Benjamin Ansermet
- Occident express 122 – David Laufer
- L’avenir des paroisses vaudoises – Olivier Delacrétaz
- Mélodie d’avril – Arnaud Picard
- Contemplation – Jacques Perrin
- Balthasar s’attaque au grand bazar – Le Coin du Ronchon
- Université de Lausanne - Florilège – Rédaction