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Civilisations et cultures

Benjamin Ansermet
La Nation n° 2273 21 février 2025

La civilisation et la culture peuvent être difficiles à définir précisément. Régis Debray, dans Civilisation, comment nous sommes devenus américains, propose quelques éléments.

Une civilisation se déploie dans l'espace et la longévité. La géographie est son tremplin, elle établit des routes et fait des petits. Elle agit et mène des guerres d'invasion ou de colonisation.

Une culture voit un port d'attache dans sa géographie. Elle demeure solitaire. Elle réagit et mène des guerres défensives ou de libération.

La civilisation est à la culture ce que l'empire est au royaume.

Une civilisation s'enracine dans une culture, mais il lui faut une ambition, un grand rêve. Elle a besoin d'autres cultures qui formeront des enclaves, avant-postes ou relais. Elle aura ses variantes locales. La civilisation prend des accents différents en fonction des endroits. Les cultures dominées peuvent aussi tenter de réaffirmer quelques spécificités en réaction.

Une force militaire ne suffit pas à une civilisation. Il faut un imaginaire pour enflammer les cœurs, un entrepôt pour remplir les ventres et un magistère pour occuper l'esprit. Une forme de pensée en plus d'une force de frappe. Une civilisation a gagné quand on ne se pose plus de questions, quand elle peut se retirer sans cesser d'irradier.

Le rôle des religions est complexe à préciser, mais sans aucun doute important.

Quelques dangers existent pour une civilisation. Notamment le nombre trop grand d'imitateurs qui la pousse à la sur-extension, au risque de succomber à la démesure. Les civilisations tendent aussi à devenir douillettes et à déléguer aux Barbares la défense de la périphérie, jusqu'à ce que ceux-ci se retournent contre le centre.

Deux modèles peuvent exister face à une nouvelle civilisation qui s'impose. Celui d'Hérode, qui, par souci d'efficacité, s'inscrit dans le conformisme vis-à-vis de la nouvelle civilisation pour en tirer quelques avantages. Et celui des zélotes, qui par souci d'intégrité se replient sur la tradition de l'ancienne culture, avec une tendance sacrificielle. Les deux modèles ont raison ensemble – là est le tragique. Il faudrait avoir des intellectuels hérodiens avec un caractère de zélotes.

Enfin, une civilisation finit toujours par mourir, mais sans disparaître entièrement. Ce qu'elle peut transmettre à ce moment-là est important. Ces décadences sont aussi des effervescences, telle la Vienne de 1870-1930, capitale d'un empire mourant mais cœur de la culture et des sciences. Mais l’être humain peine à penser ainsi, car il aime les catastrophes plus que les érosions.

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