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La Suisse a-t-elle un avenir?

Claire-Marie Lomenech
La Nation n° 1884 12 mars 2010
Quel est l’avenir de la Suisse, petit pays situé au centre géographique de l’Europe mais, comme nous le rappelait si ironiquement M. Kouchner le 16 février dernier, pays isolé et non membre de l’Union Européenne? La Suisse est-elle réellement si isolée et délaissée par ses voisins en cette année 2010 où elle préside le Conseil de l’Europe et organise le Sommet de la Francophonie?

Roger Friedrich, fédéraliste «de la première et de la dernière heure» comme il aime le dire en citant notre journal, brosse un tableau très personnel de la Suisse dans son ouvrage paru à la fin de l’année dernière1. Il n’a ni le but ni la prétention de répondre à la question de savoir comment se préfigure l’avenir helvétique, mais offre plutôt ses réflexions sur ce qu’il appelle la «complexité» de la Suisse. Correspondant pour la Neue Zürcher Zeitung successivement dans les trois régions linguistiques jusqu’en 2001, il en tire une longue expérience qui lui permet de comprendre combien l’équilibre entre leurs différences était tout sauf statique.

Le travail d’un correspondant n’est pas le même que celui d’un journaliste dans sa ville. Le correspondant écrit pour son public mais parle d’une autre région. Cela a donné à M. Friedrich une perspective toute personnelle sur les territoires qu’il traversait. Ses pas – ou plutôt le train – l’ayant aussi mené au Tessin, il éprouve une affection particulière pour ce canton dans lequel on n’entre pas comme dans n’importe quelle zone géographique, surtout lorsque l’on vient de Zurich. Apparaît donc naturellement le sujet du Gothard.

Le Gothard est l’un de ces éléments que M. Friedrich développe comme représentatif de la diversité culturelle. Plus qu’un col ou un tunnel, plus qu’un passage à travers les Alpes, il est devenu un réel mythe. Il n’y a pas de frontière semblable entre Suisse alémanique et Suisse romande, de telle séparation physique. On parle de «Röstigraben», mais ce n’est qu’un concept: il ne se matérialise pas comme le fait le Gothard. Selon notre auteur, cela implique des différences de relation entre les régions, et il met en évidence une autre ligne de rupture: la ligne de partage des eaux (Rhin/Rhône) dans le canton de Vaud – donc plus à l’ouest de la frontière linguistique qui traverse les cantons de Berne et Fribourg. Elle se remarque à peine, mais coupant le canton en deux parties nord et sud, fait ressortir une «dynamique du Léman» opposée à celle de l’arrière-pays qui tente de se lier aux régions de Neuchâtel et de Fribourg. D’où la question: «Va-t-on assister à l’émergence d’une métropole lémanique?»

Que le lecteur ne s’attende pas à trouver de réponse au titre provocateur qu’a choisi Roger Friedrich, ni le programme prometteur d’une vie quasi éternelle pour la Suisse, mais il découvrira un riche tableau: historique, linguistique, culturel, politique, géographique. Ce livre nous apporte une meilleure compréhension de l’importance du triangle des trois langues et de la variété si belle dont nous sommes acteurs, spectateurs, et peut-être aussi auteurs. Cependant, la défense de ces langues ne doit pas permettre le remplacement du fédéralisme des cantons par un fédéralisme des quatre cultures. On aurait peut-être aimé lire une conclusion forte, une réponse toute faite, mais est-il seulement possible d’en donner une? On ressort de ce livre comme l’on ressort d’un grand voyage… Effectué en train, évidemment.


NOTES:

1) Roger Friedrich, La Suisse a-t-elle un avenir? Réflexions sur les cantons, les régions et l’Etat fédéral, Presse du Belvédère, septembre 2009.

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