Juvenilia XCVII
A la fin de la projection, Ardea s’avance vers moi, l’air pincé:
– Vous nous avez présenté Camus comme un «homme de bien», ce sont vos termes…
– Malgré quelques contradictions (qui n’en a pas?), il a été droit dans ses actes et généralement cohérent. Oui, je pense que c’était un honnête homme.
– Eh bien je ne suis pas d’accord avec vous: quand il s’éprend de cette… cette actrice…
– Maria Casarès.
– Oui, c’est bien elle. Il a tellement fait souffrir sa femme qu’elle a eu une grave dépression et qu’elle a failli mourir. C’est dégoûtant et vous, vous trouvez que c’est «un homme de bien».
– Je reconnais que sur le plan conjugal, il n’était pas irréprochable, mais…
A ce moment, Jacky déboule dans la conversation, hilare et sans gêne, comme à son habitude:
– Cette meuf, elle était trop canon. Comment on peut résister à ça? C’est pas possible! Nous les hommes, on succombe quand on voit de la beauté… Les yeux! Vous avez vu les yeux?...
Etonnante, l’emprise d’une vedette au charme pourtant très daté sur un adolescent du siècle d’après. Par ailleurs, les filles trouvaient Camus bel homme, séduisant. Il est vrai qu’il ressemblait un peu à Humphrey Bogart, lui aussi décalé par rapport à leurs critères actuels.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- † Philibert Muret – Olivier Delacrétaz
- L’Allemagne lave plus blanc – Revue de presse, Philippe Ramelet
- On paye pour les Genevois – Revue de presse, Ernest Jomini
- Un examen difficile – Georges Perrin
- La Suisse a-t-elle un avenir? – Claire-Marie Lomenech
- L’école vaudoise a-t-elle le droit d’échouer une nouvelle fois? – Benoît Meister
- Séminaire 2010: Le paysan et le Pays - Première soirée: état des lieux – Vincent Hort
- Des talibans de grand-papa contre les émeutes raciales – Le Coin du Ronchon