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De la médecine libérale

Olivier DelacrétazEditorial
La Nation n° 1929 2 décembre 2011
Trois référendums (leurs signatures s’ajoutent) ont été lancés contre la loi fédérale sur les réseaux de soins. Ils ont jusqu’au 19 janvier pour récolter 50000 signatures. La Ligue vaudoise soutient cette action et recommande à ses lecteurs de signer, de faire signer et de renvoyer le plus rapidement possible la feuille de signatures encartée dans le présent numéro.

Les questions techniques, déontologiques, financières et politiques qui se posent à la médecine sont à ce point imbriquées que tout renvoie à tout. On ne peut traiter un point précis, le réseau de soins par exemple, sans avoir tout le reste en tête. Avant donc d’examiner la loi proprement dite dans un autre article, nous voudrions rappeler quelques principes fondamentaux de la médecine libérale.

Nous sommes conscient que la médecine pratiquée aujourd’hui dans le Canton de Vaud et en Suisse s’est considérablement éloignée de ces principes. Il n’en est pas moins nécessaire de les connaître, car ils expriment la nature même de l’art médical et restent par conséquent des critères pertinents pour juger la valeur d’une réforme.

Chaque personne humaine est un tout unique, avec sa propre histoire médicale. Ses problèmes de santé agissent les uns sur les autres. Cela signifie que le médecin ne traite pas une maladie, mais une personne atteinte de cette maladie. Il n’est pas d’abord un «fournisseur de prestations», mais un conseiller, un homme de confiance, parfois un confident, qui s’occupera du patient, et souvent de sa famille, durant de longues années. C’est le plus souvent un généraliste.

La nécessité d’établir une confiance durable justifie le principe du libre choix du médecin par le patient et, corollairement, celui du libre choix du traitement par le praticien. Corollaire du corollaire: l’obligation pour les caisses de rembourser les traitements décidés par n’importe quel médecin autorisé à pratiquer sur sol suisse, disposition fondamentale connue sous le nom barbare d’«obligation de contracter». Et c’est encore cette relation de confiance qui justifie le secret médical, dont le gardien est le médecin, non le malade.

Le médecin de famille joue un rôle de port d’attache pour le patient. Quand il constate une affection nécessitant des connaissances, des compétences ou un équipement dont il ne dispose pas, il envoie son patient consulter l’un ou l’autre spécialiste. Il délègue ainsi à ce dernier la confiance que lui accorde son patient. Les diagnostics établis et les traitements décidés par le spécialiste lui viennent en retour et complètent le dossier. Il garde ainsi la maîtrise des opérations, qu’il oriente en fonction exclusive de l’intérêt de son patient.

C’est la version la plus complète, la plus rationnelle et la plus économique du réseau de soins.

La médecine libérale, nous objectera-t-on, est réservée à ceux qui peuvent payer et seule l’assurance obligatoire a permis d’étendre les soins aux moins fortunés. Ce n’est pas exact. La conception classique des honoraires répond à cette objection infondée. Les honoraires, différents en cela d’une simple facture, sont en effet calculés non seulement en fonction du travail accompli, mais aussi en fonction de plusieurs variables, dont, précisément, la capacité financière du patient. Les honoraires élevés payés par le malade aisé permettent au médecin de pratiquer des honoraires bas pour les personnes démunies. Cette solidarité établie au cas par cas est plus fine et rigoureuse, elle brasse infiniment moins d’argent, elle engendre infiniment moins de dommages collatéraux que le grand brassage de l’assurance obligatoire.

Les médecins ne sont pas moins soumis aux tentations que les autres. Une déontologie aussi exigeante ne sera pleinement respectée par tous que si leur corporation fait régner une discipline rigoureuse dans ses rangs.

Les politiciens fédéraux veulent comprimer les coûts de la médecine. Leur souci est fondé, mais ils réfléchissent et agissent à partir de deux principes erronés. Le premier est que la médecine est un ensemble d’actes techniques anonymes qu’on peut soumettre à des normes rationnelles et tarifer exactement. Le second est que la santé est un service public et devra à ce titre passer tôt ou tard sous le contrôle de l’administration.

Ces deux principes ont en un demi-siècle miné la médecine libérale non seulement dans les lois et chez les assureurs, mais aussi dans l’esprit de la population, voire dans la conception que certains médecins eux-mêmes se font de leur art. Le premier de ces principes inspire largement la loi sur les réseaux de soins, ce qui justifie en soi un soutien au référendum. Mais ce n’est pas notre seule critique. La suite au prochain numéro.

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