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Bossonnens

Alexandre Pahud
La Nation n° 2023 24 juillet 2015

Jouxtant la frontière du canton de Vaud, au sud-est de Palézieux, la commune fribourgeoise de Bossonnens abrite sur son territoire un important site médiéval, peu connu du grand public. Cet ensemble, qui s’appuie sur un éperon rocheux et boisé, comprend un château stricto sensu, soit la résidence d’un seigneur, d’une part, et un bourg en pente croissante, que domine une tour de guet à son point culminant, d’autre part. Les deux composantes du site, entourées chacune d’une enceinte à l’origine, sont séparées par un fossé encore bien visible aujourd’hui.

Longtemps envahies par la végétation, ces ruines ont fait l’objet d’importants travaux de débroussaillement et de consolidation durant les années nonante. Des fouilles archéologiques, menées depuis 2004 par le Service archéologique de l’Etat de Fribourg, permettront sans doute à terme de mieux connaître la localisation des bâtiments et leurs phases de construction. Actuellement, les descriptions publiées se fondent pour l’essentiel sur des observations topographiques et des données textuelles (1).

La partie la plus ancienne du château de Bossonnens remonte à la seconde moitié du XIIe siècle. Il s’agit d’un donjon carré, d’appareil mégalithique (gros blocs de poudingue), qui garde l’entrée d’une plate-forme où subsistent les traces de plusieurs bâtiments. Au Moyen Age, on y trouvait en particulier un corps de logis, un puits et une chapelle dédiée aux saints André et Théodule. La courtine formée de moellons qui borde cette terrasse date, semble-t-il, de la seconde moitié du XIIIe siècle. C’est à cette époque plus récente qu’il faut attribuer la construction du bourg, qui se composait de deux rangées de cheseaux (parcelles constructibles), séparées par un chemin. Non loin du fossé, on aperçoit encore les vestiges d’une ou deux maisons médiévales, ce qui rehausse l’intérêt du site pour le visiteur. A l’extrémité opposée, surplombant le bourg, une tour circulaire massive, munie d’une archère, permettait de surveiller le chemin en direction d’Attalens.

Situé à proximité de l’ancienne route romaine conduisant de Vevey à Avenches via Oron et Moudon, Bossonnens est mentionné pour la première fois vers l’an Mil dans un rôle de cens (liste de biens et revenus) du chapitre cathédral de Lausanne à Vevey et aux environs. Hormis cette attestation isolée, on ignore tout des destinées du village durant deux cents ans. Il est probable qu’il appartenait à la maison de Blonay, dont relevaient Attalens et Granges aux XIe et XIIe siècles.

Lorsque Bossonnens réapparaît dans les sources, dès les années vingt du XIIIe siècle, la localité se trouve aux mains des seigneurs d’Oron, qui l’ont peut-être héritée des Blonay. Entre 1282 et 1304, l’un des membres de la famille d’Oron, Amédée Ier, déjà maître d’Attalens, agrandit la seigneurie de Bossonnens au nord-est, en acquérant notamment Remaufens et La Rougève. Riche aristocrate, il prête de l’argent à certains couvents romands, ainsi qu’au comte de Savoie. Bien que les preuves documentaires fassent défaut, c’est très probablement Amédée d’Oron qui a fondé le bourg de Bossonnens, après avoir érigé la grosse tour ronde.

Pourtant l’essor de la «ville» de Bossonnens sera de courte durée. L’étroitesse du site et l’absence de franchises limitent l’établissement d’une population nombreuse, attirée par de meilleures conditions d’existence. Hormis quelques chapelains, les habitants du bourg demeurent pour l’essentiel des paysans, taillables ou hommes liges. On ne constate ni développement d’un artisanat spécialisé ni émergence d’une bourgeoisie. D’un point de vue économique, Bossonnens dépend du marché de Vevey, auquel il emprunte sa mesure; il subit aussi la concurrence de localités mieux placées, comme Oron et Châtel-Saint-Denis.

Ces conditions défavorables expliquent la stagnation de Bossonnens durant le XIVe siècle. Lorsque Aymon II d’Oron, dépourvu d’héritier mâle, meurt en 1375 / 1376, la seigneurie échoit à sa fille cadette, Marguerite, alors que l’aînée, Catherine, obtient Attalens. Dans son testament de 1410, Marguerite d’Oron lègue Bossonnens à ses fils Nicod et Aymon, issus d’un premier mariage avec François de La Sarraz. Dès lors, ce sont des représentants de la famille noble de La Sarraz qui dirigent la seigneurie de Bossonnens.

En fait, ils se désengagent progressivement de ce territoire peu attractif, en concédant le four banal aux habitants du lieu et en vendant à des tiers de nombreux droits et cens. Lors des Guerres de Bourgogne, en 1475, l’incendie du château par les Bernois et les Fribourgeois aggrave encore le déclin de la seigneurie. Finalement, en 1513, Georges de La Sarraz, qui souffre de difficultés financières, préfère céder Bossonnens au duc Charles III de Savoie, en échange de revenus dans la châtellenie de Vevey.

Pendant deux décennies, l’ancienne seigneurie de Bossonnens est alors une châtellenie savoyarde, qui dépend directement du duc. Mais cette nouvelle position se trouve rapidement compromise en raison du conflit opposant Berne à la Savoie. Au début de l’année 1536, les Bernois envahissent le Pays de Vaud sous prétexte de porter secours à Genève, menacée par le duc. Craignant le passage à la Réforme, les gens de Bossonnens, qui ont déserté le bourg depuis longtemps, se placent sous la protection de Fribourg. En février, de laborieuses négociations entre Bernois et Fribourgeois aboutissent à un accord en vertu duquel les premiers abandonnent aux seconds Châtel-Saint-Denis, Surpierre, Attalens et Bossonnens, mais gardent Vevey sous leur domination. Le territoire de Bossonnens, auquel se rattache le village de Granges, devient un bailliage fribourgeois, statut qu’il conservera jusqu’à la chute de l’Ancien-Régime.

 

NOTES:

1) La principale étude sur Bossonnens est celle d’Ivan Andrey, Le château et le bourg de Bossonnens au Moyen Age. Etude documentaire, Fribourg, 1985. Malheureusement jamais publiée, elle existe sous la forme d’un manuscrit dactylographié que l’on peut emprunter à la BCU de Fribourg.

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