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Hipster: mode d’emploi

Charlotte Monnier
La Nation n° 2023 24 juillet 2015

A peine avions-nous commencé à cerner le phénomène du bobo que déjà un voyage outre-Atlantique nous force à interroger celui du hipster. Qu’est-ce qu’un hipster? Un mode de vie, une philosophie, un simple style vestimentaire?

Sur le plan historique, les tout premiers hipsters sont apparus dans les années 1920. Ils étaient ainsi désignés parce qu’ils étaient blancs et parce qu’ils fréquentaient des salles de concert consacrées à la musique afro-américaine.

Ils sortaient du cadre, allaient voir ailleurs.

En effet, l’une des deux hypothèses étymologiques du terme «hipster» stipule qu’il proviendrait du mot hip qui signifie en wolof, langue du Sénégal, «voir» ou du mot hipi signifiant quant à lui «ouvrir les yeux». S’il est donc une première caractéristique à noter sur l’état d’esprit du hipster, il s’agit de sa volonté permanente de se libérer de tout conditionnement tant géographique que social. Et quand bien même il incarne un véritable mythe américain, il n’aura de cesse de se proclamer «citoyen du monde».

Aux yeux du hipster, se démarquer sur le plan vestimentaire du reste des consommateurs modernes est une priorité. Sa chemise à carreau sort tout droit de la garde-robe d’un bûcheron canadien, ses jeans sont trop courts et trop serrés et ses chaussures de ville – neuves ou d’occasion – sont usées mais sophistiquées. De même, sa barbe, en apparence négligée, fait l’objet d’un entretien rigoureux et de fréquentes visites chez le barbier. S’il se trouve qu’un accessoire ou qu’un vêtement n’a pas pu échapper au circuit industriel du marché contemporain, le hipster soumet ledit vêtement ou accessoire à un ensemble de conditions. Ainsi les seules lunettes Ray-Ban – marque extrêmement populaire – admises sur le nez d’un hipster sont les fameuses, mythiques et classiques Ray-Ban original Wayfarer®, créées en 1952 et portées par de nombreuses personnalités qui firent la gloire de cette époque.

Voilà qui explique entre autre l’assidue fréquentation hipster des boutiques de seconde main et des friperies vintage. Souvent situées dans des endroits et quartiers stratégiques des grandes villes, ces boutiques un rien ringardes deviennent du même coup des points de rencontre officiels. Elles sont voisines de bars marginaux également réservés aux habitués des vinyles et des albums de grands groupes – «mais avant qu’ils ne soient connus et qu’ils ne sombrent dans les profondeurs ténébreuses de l’industrie du son, of course».

Dans sa vie culturelle en général, le hipster fuit les grandes productions cinématographiques mainstream et grand public pour se concentrer sur le cinéma d’auteur. Il regarde également avec nostalgie les films de Stanley Kubrick ou David Lynch. En littérature, il serait impensable de ne pas mentionner le titre universel de Jack Kerouac intitulé On the road. Quoiqu’il soit devenu trop populaire à leurs yeux, les hipster n’en demeurent pas moins fiers de cet ancêtre. Quelques livres de philosophie traînent également sur leur table de chevet. Nietzsche de préférence…

Sur le plan politique, le hipster est révolté contre le pouvoir en place, quel qu’il soit. En effet, et par définition, ce dernier instrumentalise les citoyens en vue de faire d’eux des consommateurs bien rangés qui ne sortent pas du cadre. Dans les faits et non sans surprise, il apparaît que la pensée politique nourrie par les hipsters va rarement plus loin que le simple désir de voir la paix descendre sur terre et entre tous les peuples.

Enfin, et malgré toutes les bonnes intentions anticapitalistes et végétariennes de ce mouvement plus-gauchiste-tu-meurs, un bon nombre de contradictions peinent à faire de lui l’objet d’un discours cohérent. Dans les faits, le hipster et son mode de vie se résument en quelques mots. Il est jeune, anticonsumériste et adopte un mode de vie témoignant de façon ostentatoire de sa volonté d’opposition à toute forme de codes et de catégorisations. D’ailleurs, si vous demandez à un hipster s’il est un hipster, il se gardera, au nom de son opposition farouche aux catégories, de vous répondre que oui. Et c’est bien là que le bât blesse. Anticapitaliste alors qu’il est lui-même fidèle à des marques officiellement reconnues hipster et hors de prix? Contre les codes alors que son propre mode de vie est intégralement codifié? Hips…

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