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Entendre l’appel vibrant de la patrie

Edouard Hediger
La Nation n° 2025 21 août 2015

Le 25 juillet 1940, le général Henri Guisan réunissait sur la prairie du Grütli l’ensemble des officiers exerçant un commandement dans les troupes mobilisées pour les rassurer et leur donner la volonté et la confiance dans le succès de leur mission. Le 25 juillet de cette année, la Société suisse des officiers, avec l’appui du Canton de Vaud, a commémoré les 75 ans du Rapport du Grütli sur cette même prairie. En présence de représentants de la politique fédérale, du conseiller fédéral Ueli Maurer, du chef de l’armée et, comme en 1940, des officiers commandants des corps de troupes, les intervenants ont appelé, en pleine tourmente politique et financière quant à l’avenir du développement de l’armée (DEVA), à éclaircir les perspectives en matière de sécurité et à donner à l’armée les moyens de remplir son rôle constitutionnel pour faire face aux défis sécuritaires. La Société suisse des officiers a honoré trois jeunes officiers des trois régions linguistiques, dont le soussigné, en leur proposant de faire partager leur vision du service militaire.

Entendre l’appel vibrant de la patrie! Voici les mots que, il y a septante ans, le Général utilisait pour justifier de se retrouver sur cette mythique prairie du Grütli. L’appel vibrant de la patrie devait être tissé en faisceau pour être retransmis aux commandants de l’armée puis à la population tout entière.

La Société suisse des officiers m’offre l’immense honneur de tenir aujourd’hui le discours du jeune. Je lui en suis profondément reconnaissant. A moi donc, à mon tour et avec mon regard de jeune citoyen vaudois, de Confédéré-soldat, de réécouter cet appel vibrant qui monte de la prairie. Envolée lyrique mise à part: que peut – plutôt que doit – dire un jeune suisse de vingt-cinq ans, fraîchement promu officier, à ses contemporains? L’exercice n’est guère aisé. La chose militaire est l’école de la modestie. Si l’armée de milice suisse n’est pas la Grande muette, le propos patriotique, même très peu politique, est toujours délicat à manier. Alors par peur, on s’enferme souvent dans des propos convenus, mêlant, je cite «regards confiants vers l’avenir» et autres «défis générationnels à affronter», le tout dans une argutie banale et souvent insipide.

Le 25 juillet 1940, le Général est sorti des sentiers battus. Vous m’excuserez de tenter modestement de suivre son exemple et d’oser quelques affirmations. Que l’armée suisse soit en danger aujourd’hui, personne ne le nie. A nous donc de partir au combat pour défendre notre deuxième métier, celui de citoyen-soldat. Si nous ne le faisons pas, autant déchirer notre prochain ordre de marche et le renvoyer à notre commandant en petits confettis.

Nous nous devons donc de défendre une vision du service à la communauté. Au même titre que nous sommes d’une famille, d’un groupe d’amis d’un canton, nous sommes de loyaux Confédérés. Cet uniforme dont nous partageons la tenue en est la preuve visible. Car en servant sous le même drapeau, nous commençons par rendre ce que la Suisse nous a donné. Elle nous a donné la sécurité et la prospérité pendant de nombreuses générations. Il peut paraître superflu d’affirmer que l’armée garantit notre liberté. Septante ans de paix nous ont fait oublier ce que peut être le chaos. Et l’actualité que je vois quotidiennement aux informations me rappelle que la paix est une situation en fait extraordinaire. Avouons que nous sommes un peu endormis.

Et c’est un jeune officier préoccupé qui s’adresse à vous. Pas par l’avenir, certes incertain de l’Europe que nous connaissons aujourd’hui. Mais par le moral de ses camarades. En 1940, Henri Guisan avait avant tout cette préoccupation à l’esprit. Le message du Grütli devait redonner courage à une population, et surtout aux cadres de notre armée. Peut-être est-ce un message similaire qu’il faut rappeler aux jeunes Suisses et leur remémorer le sens de la communauté. Et Dieu sait que nous avons de la chance. La Suisse n’est pas l’un de ces pays européens, où les horizons de la jeunesse sont bouchés. Car il n’est pas trop tard pour redresser la barre. Oui, l’armée a encore un sens, oui, le service militaire est plus que jamais d’actualité.

Il ne fait aucun doute qu’un débat sur la forme de l’obligation de servir se profile dans les prochaines années. Il ne faudra alors pas oublier que ce que protège l’armée en dernier ressort – lorsque plus rien d’autre n’est possible – est cette sécurité, cette prospérité de la communauté. Le vote du 22 septembre 2013 a réaffirmé cette primauté du service militaire sur toute autre forme de service.

Le soldat que le chef de section a le privilège de fréquenter au quotidien connaît son métier et il le fait avec plaisir, je peux vous l’affirmer. Mais il faut pour cela lui en donner les moyens. Je ne reviendrai pas sur les problèmes d’équipements et de financement qui ne permettent pas toujours d’assurer une instruction crédible à des gens qui, on ne le rappellera jamais assez, remplissent une obligation constitutionnelle. Tout cela n’est pas sans responsabilité pour nous. La vocation d’un jeune officier, telle que je la perçois, est de rappeler les valeurs que nous fêtons aujourd’hui, qu’il soit en uniforme auprès de la troupe ou lorsqu’il est à l’université ou au travail. La finalité de l’armée n’est pas de nous offrir un réseau professionnel ou de nous donner des vacances un mois par année. Face à ce lac ancestral, ce soleil rayonnant, rappelons-nous ce que nous faisons, et pourquoi nous le faisons.

Vive l’armée suisse, vive la Confédération. Vive le Général!

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