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Les ordonnances discrétionnaires du Conseil fédéral

Jean-François Cavin
La Nation n° 2222 10 mars 2023

Douze citoyennes et citoyens zurichois s’alarment de l’usage, devenu fréquent et peut-être abusif, d’ordonnances prises par le Conseil fédéral, au contenu discrétionnairement défini par le gouvernement, sans contrôle populaire, ni parlementaire, ni juridictionnel en dehors de cas d’application concrets. Ils proposent donc que ces ordonnances puissent être attaquées devant le Tribunal fédéral, chargé de vérifier dans les trois mois si les conditions de recours à ce procédé extraordinaire sont remplies.

Il semble bien, en effet, qu’une habitude se prenne. Durant la pandémie de coronavirus, les mesures telles que l’obligation de porter le masque, de produire un certificat de vaccination, de fermer des commerces ont été prises par voie d’ordonnance. Nous avions à l’époque exprimé nos doutes sur la constitutionnalité du procédé. Puis les sanctions contre la Russie ou contre des Russes ont été prises de semblable façon, de même que la décision de construire une centrale à gaz à Birr, en Argovie.

La Constitution fédérale prévoit que, dans le cadre des relations avec l’étranger, le Conseil fédéral puisse librement prendre des ordonnances «lorsque la sauvegarde des intérêts du pays l’exige»; et, de façon générale, «en vue de parer à des troubles existants ou imminents menaçant gravement l’ordre public, la sécurité extérieure ou la sécurité intérieure». Ces ordonnances doivent être limitées dans le temps, ce qui n’a pas toujours été le cas. Les textes constitutionnels évoquent des circonstances d’une gravité particulière, mais sont sujets à interprétation; le Conseil fédéral a probablement opté parfois pour une interprétation plus qu’extensive.

Notre ordre juridique veut que les lois ne puissent être attaquées pour inconstitutionnalité devant le Tribunal fédéral, car elles sont sujettes au referendum et la Haute Cour ne saurait annuler un texte bénéficiant de la sanction populaire. Le comité zurichois ne change rien à cela; il veut soumettre au contrôle juridictionnel des ordonnances basées directement sur les dispositions constitutionnelles qu’on vient de rappeler, ce qui nous paraît tout à fait concevable. Il veut aussi soumettre à ce contrôle les ordonnances ou mesures prises par le Conseil fédéral sur la base de lois telles que celles sur les épidémies ou sur l’embargo; l’affaire est alors plus délicate puisqu’une base légale formelle existe; mais il faut reconnaître qu’elle est si élastique qu’elle ouvre en fait la voie à des pleins pouvoirs de l’exécutif.

Les douze Zurichois ont choisi de lancer une initiative cantonale obligeant le Canton de Zurich à en déposer une auprès de l’Assemblée fédérale. Cette démarche peu commune ne garantit pas que la proposition aboutisse à un projet en bonne et due forme; mais la commission du Conseil national, naguère, avait déjà approuvé l’idée, contrairement à celle du Conseil des Etats; il s’agirait dès lors de faire pression sur la Chambre Haute.

Nous suivrons avec intérêt la suite de cette affaire, qui traite d’un problème bien réel et important pour le bon fonctionnement des institutions.

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