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Nous fédéralistes

Félicien MonnierEditorial
La Nation n° 2222 10 mars 2023

La Ligue vaudoise est adepte d’un fédéralisme intransigeant et place la lutte contre la centralisation fédérale au cœur de son action.

Le fédéralisme est un système institutionnel régissant la répartition de compétences entre des entités fédérées (Etats américains, Länder allemands, Provinces canadiennes, Cantons suisses) et une entité fédérale, ou confédérale. Le fédéralisme se distingue de la décentralisation, qui voit un Etat central, à son bon vouloir et selon la tendance du moment, déléguer ou reprendre à des entités territoriales administratives des tâches publiques.

En droit constitutionnel suisse, le système fédéraliste découle de l’art. 3 de la Constitution fédérale: «Les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la Constitution fédérale et exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération.» Concrètement, cette disposition fait de la Constitution fédérale une liste des compétences exercées par la Confédération. C’est pourquoi toute modification de la Constitution exige la double majorité, et du «peuple suisse» et des cantons.

On notera également que des lois fédérales retirent aux cantons une parcelle de leur souveraineté. En février 2022, il en allait ainsi de la loi fédérale sur l’aide aux médias, combattue dans ces colonnes avec succès. Nous portons actuellement ce même regard sur l’imposition individuelle des couples mariés ou la réforme de la maturité fédérale.

En Suisse tout le monde se dit fédéraliste, et on ne rencontre que rarement des centralisateurs assumés. Il n’en existe pas moins plusieurs manières d’être fédéraliste. Toutes ne se valent pas.

Une manière est de défendre le système lui-même, sans se préoccuper de savoir qui doit réellement exercer quelle compétence. Et sans se demander pourquoi. C’est le penchant d’organisations comme Avenir suisse, Foraus, et l’Institut du fédéralisme. On y affirme péremptoirement que le fédéralisme «fait partie de l’ADN suisse», tout en le réduisant au statut de belle mécanique. L’omniprésence d’un langage technocratique prouve l’abandon de toute approche de fond. Le fédéralisme devient le lieu des «flux», des «synergies», des «organes communs», des «conférences intercantonales», avec leur cortège de secrétariats et de directives. Là règnent l’organigramme et le tableur Excel. Dans ces bureaux l’air est sec.

Certains politiques se disent fédéralistes. Soit. A tout le moins le déclament-ils lors de leurs toasts à la patrie du 1er août. Si un projet législatif qu’ils combattent se trouve par-dessus le marché être centralisateur, ils le mentionneront; l’argument demeurant souvent satellitaire. En revanche, le jour où la Ligue vaudoise dénonce comme centralisateur un projet qui leur tient à cœur, ils nous rétorquent que le sujet est trop important pour «supporter vingt-six solutions cantonales», et qu’il «importe que Berne prenne la chose en main». La centralisation n’est pourtant pas une garantie de bonne gestion. Les libéraux, même les plus fédéralistes, sont centralisateurs dans la gestion de la concurrence, les UDC dans celle de l’immigration, les Verts en matière d’aménagement du territoire, ou les socialistes dans la politique sociale. Ce sont les «Je suis fédéraliste, mais…».

Le fédéralisme pose l’une des interrogations politiques les plus fondamentales: savoir qui décide. Cela nous interdit de voir en lui un simple problème de forme ou de mécanique institutionnelle, mais bien une question de fond. La Ligue vaudoise est fédéraliste par attachement au Canton. Elle le voit comme une nation à part entière, avec tout ce que cela comporte en termes historiques, culturels et politiques

Sur ces quelques milliers de kilomètres carrés, des institutions cohérentes – à tout le moins identifiables et au pouvoir effectif – se sont succédé depuis le XIIIe siècle. Même au temps de l’occupation bernoise, le Pays de Vaud a conservé une unité culturelle et institutionnelle indéniable. Le Pays de Vaud est un vieux pays.

Aujourd’hui encore, les spécificités morales et culturelles constatables entre Alpes, Jura et Léman sont frappantes de réalité. Les Vaudois ont un rapport au travail ou à l’Etat qui leur est propre, une manière d’aborder les relations interpersonnelles, d’exprimer leurs amitiés, ou de (ne pas) formuler leurs émotions.

Enfin, le Canton s’exprime au travers d’institutions efficaces et agissantes. Elles seront étatiques ou pourront émaner des corps intermédiaires que constituent les syndicats, les associations patronales, les entreprises ou le monde associatif. Elles offrent à qui s’y investit d’y déployer du même coup sa liberté. Nos institutions cantonales permettent au citoyen de vivre en adéquation avec la nature fondamentalement communautaire de l’être humain. C’est en cela qu’elles concourent au bien commun du Pays de Vaud, dont elles participent. En combattant pour la souveraineté du Canton, la Ligue vaudoise cherche avant tout à conserver au pouvoir politique une mesure humaine et maîtrisable.

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