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Chars Leopard: des réserves sur les réserves

Edouard Hediger
La Nation n° 2222 10 mars 2023

S’il y a bien un enseignement à tirer de la guerre en Ukraine, c’est l’importance de disposer de réserves en très grande quantité. Pour lancer les offensives indispensables à la reconquête de ses territoires, l’Ukraine a aujourd’hui désespérément besoin de matériels que les Occidentaux ne peuvent livrer qu’aux dépens de leurs propres stocks. La Russie, quant à elle, est contrainte de moderniser en urgence des T-62 dont la nomenclature trahit l’âge, afin de faire face à une attrition que sa production de chars modernes n’est de loin pas en mesure de compenser. Les armées des dividendes de la paix se sont reposées sur une logique économique et d’instruction et non pas d’attrition. Elles se sont réduites à des échantillons de capacités bons au maintien des compétences.

Le gouvernement allemand a demandé à la Suisse de lui vendre sa réserve de chars Leopard afin de boucher les trous laissés par ceux donnés à l’Ukraine. Il s’agit d’une manière commode de contourner le principe de non-réexportation du matériel de guerre helvétique. Du point de vue du Conseil fédéral, on répond qu’il est possible de les vendre, à condition pour cela que le Parlement les mette hors service.

Le plus grand risque avec ces Leopard est d’ouvrir la boîte de Pandore. On viendra ensuite nous demander des chars de grenadiers 90 pour rééquiper les Suédois ou des obusiers M109 pour les Norvégiens. Beaucoup, déçus par les refus d’accéder aux demandes de réexportation des munitions de défense anti-aérienne, voient cela comme le geste solidaire du passager clandestin de l’OTAN. Il y a pourtant une différence fondamentale entre la réexportation de matériel ou de munitions fabriqués et vendus à un client, et le fait de ponctionner nos propres réserves. Déjà réduites, elles sont indispensables au fonctionnement et à l’instruction de notre armée de milice.

Il est également surprenant de constater que les parlementaires les plus en pointe sur la vente d’un matériel et de munitions difficilement qualifiables de défensifs viennent de partis d’habitude si réticents à investir dans les capacités de notre armée et si prompts à rappeler son inutilité. Les mêmes diront que si la Suisse est attaquée, elle sera aidée par ses voisins. La prochaine fois que nous aurons à défendre notre pays, il y a pourtant fort à parier qu’une moitié d’entre eux voudra garder son matériel pour elle et que l’autre moitié voudra l’utiliser contre nous. N’insultons pas l’avenir en pensant que l’OTAN sera toujours là, toujours unie et que tout le monde nous défendra à notre place.

Mauvaise nouvelle pour nos parlementaires: sortir d’une logique économique et constituer des réserves coûtera cher, mais c’est le prix à payer pour retrouver une vraie capacité de défense (et de dissuasion) crédible et indépendante des autres.

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