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Obstination

Jacques Perrin
La Nation n° 2234 25 août 2023

Au cours d’un débat radiophonique, l’avocate genevoise Lorella Bertani et la députée vaudoise Mathilde Marendaz s’opposent à l’avocat vaudois Loïc Parein et au médecin généraliste Jacques Aubert.

Faut-il introduire la notion de féminicide dans le code pénal?

Oui, selon les deux dames, car les locutions drame familial et crime passionnel dissimulent le fait que la plupart des victimes sont des femmes. Entre 2008 et 2019, selon la députée du parti Ensemble à gauche, les trois-quarts des 329 homicides étaient des meurtres ou assassinats de femmes. Les femmes seraient tuées parce qu’elles sont des femmes, victimes d’un patriarcat teigneux; c’est une inégalité insupportable.

Nous transcrivons ci-dessous un extrait de la discussion avec les imperfections de l’oral.

Mme Bertani s’exclame: Tuer des femmes, oui, c’est un féminicide parce que sinon c’est quoi? C’est un homicide, et homicide ça veut dire tuer un homme. Et aujourd’hui on a beaucoup de peine à vouloir parler et de féminicides et d’humains. On parle toujours de droits de l’homme, on a de la peine à parler de droits humains, comme si les femmes étaient finalement une catégorie d’homme, non, les femmes ne sont pas une catégorie d’homme, et c’est elles qu’on tue en priorité. Loïc Parein répond: Mais non parce que le terme vient du terme (latin, réd) homo qui veut dire être humain, donc c’est le fait de tuer un être humain et ça étymologiquement il y a aucune discussion par rapport à ça quand on prend les définitions qui se font en droit pénal.

Durant la tirade de l’avocat, on entend Mme Bertani dire clairement non à deux reprises, comme si Loïc Parein était en train de proférer une sottise. Le médecin appuie le pénaliste: Si l’on introduit le terme féminicide dans le code pénal, il faudra y ajouter celui de viricide, le mot homme ayant deux sens en français: être humain et mâle. Le latin et l’allemand ne connaissent pas cette ambiguïté. En latin homo veut dire être humain et vir mâle, l’allemand distinguant Mensch et Mann.

Loïc Parein et Jacques Aubert ont raison, Lorella Bertani a tort. Que penser alors du double non lâché par l’avocate indignée? Mme Bertani n’a peut-être pas étudié le latin, ni l’étymologie des mots français. Elle aurait pu attendre la fin de l’émission pour vérifier les assertions de son confrère vaudois et du médecin.

Nous avons affaire à un cas d’obstination idéologique. Dans homicide et droits de l’homme, une féministe entend surtout hom(me). Peu importent le sens et la racine. Elle imagine le macho détesté, le vieux mâle blanc gras et brutal, le suppôt du patriarcat. Cela suffit pour parler de féminicide. La femme, essence de la victime, doit apparaître tout le temps et partout, dominer le vocabulaire et la grammaire pour prendre sa revanche, quitte à jeter aux oubliettes une science passéiste et élitaire telle que l’étymologie.

Dans homicide, c’est–cide qui importe, comme le laisse entendre Loïc Parein. Ce suffixe provient de la forme verbale latine occido qui signifie je tue (j’occis). Le parricide tue son père, un génocide consiste à éliminer un peuple entier, un écocide est un crime contre l’environnement. Le droit cherche à préserver la société du meurtre et de l’assassinat réprouvés dans toutes les civilisations: Tu ne tueras point. Sous nos climats, l’homicide est punissable, qu’il anéantisse une femme ou un homme, un protestant ou un musulman, un Blanc ou un Noir, n’importe quel être humain. Il se trouve que dans certaines cultures, le féminicide passe pour moins grave que le viricide. A ce propos, si comme Mmes Bertani et Marendaz on se préoccupe de prévenir les crimes et d’éduquer les garçons, il nous importerait de savoir à quelles aires culturelles, méditerranéenne, africaine, balkanique, arabe ou helvétique appartiennent les auteurs de féminicides en Suisse. Mais nous nous aventurons là sur une surface glissante… celle du racisme, de l’intersectionnalité et de la concurrence victimaire.

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