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Lausanne, scène ouverte

Lionel Hort
La Nation n° 2237 6 octobre 2023

Quiconque traverse Lausanne entre la gare et la place de la Riponne est confronté à l’épouvantable spectacle du trafic et de la consommation de drogue. La situation s’est aggravée avec la canicule, entraînant l’allocation d’une quarantaine d’agents de police chargés de rétablir l’ordre, pendant que la Municipalité prévoit l’installation d’un nouveau local d’injection au nord de la Riponne1. Ce local, comme le précédent, et en attendant le suivant, est censé régler la question une fois pour toutes.

La plupart des grandes villes, ici et à l’étranger, hébergent des toxicomanes. C’est un véritable casse-tête et aucune solution ne semble idéale. Du point de vue médical, une partie apparemment irréductible des consommateurs gravement dépendants vit dans une succession de cycles de rémission et de rechute, et ne pourra jamais sortir de cet état. Du point de vue pénal, le trafic de drogue traverse les frontières et dispose, telle l’Hydre de Lerne, d’innombrables candidats à la vente directe. Les autorités politiques et judiciaires, la police et les acteurs de la santé semblent tous ensemble impuissants, d’autant plus à l’aune de l’argent public dépensé. Nous nous posons malgré tout des questions.

Pourquoi, malgré les effectifs et les moyens technologiques, les dealers ne sont pas arrêtés, eux qui saluent toujours les passants avec bonhomie depuis les mêmes lieux de la ville, et ce depuis des années? Ceux-ci vivent peut-être également dans la misère, il n’empêche qu’ils vendent, en toute conscience, les pires poisons à d’autres êtres humains en situation de faiblesse. Ils doivent être traités en conséquence et ne devraient en tout cas pas pouvoir déambuler nonchalamment aux mêmes endroits en toute impunité.

Et pourquoi les toxicomanes gravement dépendants sont-ils laissés à leur sort indigne dans la rue? Pourquoi ne sont-ils pas hospitalisés plus longtemps – par exemple sur un mode proche du placement à des fins d’assistance? On parlera d’infrastructures et de ressources limitées et d’un paternalisme médical abhorré des commissions d’éthique.

L’incohérence des autorités insupporte. La pandémie, entre autres, a montré que des politiques de santé publique pouvaient être appliquées strictement, et que la population est sensible à la salubrité de l’espace et des transports publics. Alors que dire des WC condamnés, des seringues, du sang et des excréments que l’on retrouve au centre-ville, à proximité des postes de police, des écoles et des commerces, et même, parfois, dans le métro? Pourquoi des espaces médicalisés ne sont-ils pas construits, comme Curabilis à Genève, et le site de Cery agrandi, alors qu’on fait jaillir des gymnases de tous les coins du Canton? Même si les coûts engendrés étaient importants, on parle comparativement d’une population numériquement faible: il faut choisir ses priorités politiques.

Les citoyens vaudois n’ont pas à subir ce mélange de misère et d’activités criminelles tolérées2. La libéralisation-dépénalisation n’est pas la solution, le problème portant in fine sur des substances addictives et dangereuses qui annihilent la personnalité3. Il ne s’agit pas de cacher la poussière sous le tapis, car il est question ici de personnes humaines. La charité la plus élémentaire et le sens le plus rudimentaire de l’ordre public, le moindre sens de l’urgence aussi – le désordre s’accroît chaque jour –, font un devoir aux autorités de prendre le problème des trafiquants comme celui des consommateurs à bras le corps.

Notes:

1   Cf. Max Frei, «Découvrez les charmes de Lausanne la camée», Le Peuple du 14 septembre 2023.

2   Dans un autre registre: les caravanes installées pendant des mois à la Bourdonnette en toute illégalité.

3   Cf. Antoine-Frédéric Bernhard, «Libéralisme et légalisation des drogues», Le Regard libre de septembre 2023.

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