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C. F. Ramuz et Paul Budry: une hardiesse d’Yves Gerhard

Daniel Laufer
La Nation n° 2237 6 octobre 2023

Il faut avoir envie de se balader en Auvergne dans une Talbot 1926 pour évoquer non seulement cette célèbre équipée, mais plus encore les destinées, au fond plus contrastées que parallèles, de Ramuz et de Budry. Yves Gerhard s’attache dans ce valeureux cent-soixantième Cahier de la Renaissance Vaudoise1 à faire revivre ces deux personnages, où s’affirment d’une part son souci, quelquefois presque excessif, mais souvent savoureux, de la précision historique, d’autre part l’évocation si heureuse d’une rencontre, qui ne devait pas être touristique, entre les deux amis.

L’ouvrage de Gerhard s’ouvre, comme son titre l’indique, sur les deux biographies de ces deux grands Vaudois, l’un et l’autre proches ou issus de familles libristes; on ne s’étonne donc pas que Budry s’inscrive après sa licence à la Faculté libre de théologie, détour universitaire que Ramuz évite. Tous deux sont licenciés ès lettres, Ramuz en 1900, Budry en 1909. L’écart des âges, six ans, est significatif: Budry dit lui-même que «je le suivais en tout, pour ainsi dire, à une distance de classe».

Nul doute que Paul Budry a perçu très tôt le génie de son aîné; fort heureusement sa forte personnalité s’est imposée; ils ne seraient pas devenus les meilleurs amis du monde si Ramuz avait eu le moindre sentiment de sa supériorité.

La grande affaire c’est, comme on s’en doute, le voyage en Auvergne. Paul Budry pilote sa Talbot Type B, 4 cylindres 1,5 litre, accompagné de C.F. Ramuz et Henry Bischoff, peintre et graveur de talent. Budry a rendu célèbre cette belle équipée dans Trois hommes dans une Talbot (Payot & Cie 1928). Et c’est là qu’on retrouve Yves Gerhard. Son grand mérite et sa passion de la vérité historique nous permettent de suivre les trois hommes, qui furent même quatre au moment où l’écrivain Henri Pourrat, ami de Ramuz, a été embarqué pour être leur impitoyable cicerone auvergnat. On se promène entre les départementales bien numérotées, les villages, les classes d’école (qui retiennent l’attention de Ramuz), les usines, les artisans-fabricants de papier (illustrés par d’excellents bois de Bischoff) sans parler de certains arrêts gastronomiques mémorables! Tout cela étoffe remarquablement le texte, un brin poétique et peu soucieux de la géographie de Budry.

Les Vies parallèles de C. F. Ramuz et Paul Budry se présentent sous la forme d’un élégant ouvrage qu’illustrent les excellentes photos choisies avec soin par l’auteur, lui-même aussi photographe quand il le faut. Relevons en particulier la photo de couverture qui présente un Budry parlant à Ramuz avec une conviction dont témoigne sa main droite; et puis les portraits des amis qui fêtent les soixante ans de Budry où, moment rarissime, Ramuz est tout sourire; enfin, on l’attendait un peu, les photos en couleurs sur deux pleines pages, de la fameuse Talbot.

La curiosité scrupuleuse et souriante d’Yves Gerhard, son goût de la recherche, le talent de sa plume donnent leur poids à ce beau cahier.

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