Réinventez-vous!

Nous devons nous réinventer. Nos médias l’ordonnent. Il faut nous adapter ou disparaître.

Les Eglises réformées de Suisse s’enthousiasment: elles veulent se revitaliser, se redécouvrir, se refonder. Dans son numéro de mars 2024, le mensuel Réformés adopte avec empressement les nouvelles tendances. L’Eglise zurichoise, confrontée à des défis, propose un manuel d’innovation communautaire. Se repenser, mieux coller aux attentes de l’époque, c’est aussi l’ambition des Eglises protestantes romandes qui constituent un formidable laboratoire d’idées pour se réinventer, conduire l’innovation sociale, se pencher sur la nécessité d’un renouvellement, ouvrir un processus de réforme profond, explorer les espaces où s’inventent de nouvelles manières d’être ensemble.

Joie, pleurs de joie.

La campagne œcuménique de carême sur le thème de la justice climatique se clôt. Tiens! Après avoir revisité le Temple Farel de La Chaux-de-Fonds grâce à un Escape Game, on redécouvrira la soupe de carême avec un QR code. Pour apporter un peu d’originalité, une soupe coup de cœur vous donnera envie d’aller de l’avant, de vous ouvrir au monde, de ressentir une solidarité avec les pays du Sud, car elle contient un mélange d’épices incontournable du monde arabe.

La directrice des éditions Labor et Fides fait descendre les auteurs de leur piédestal. C’est une marque d’humilité envers les lecteurs; l’auteur ne prescrit pas, il invite.

Un certain Bruno Gaudelet revisite le Notre-Père.

Grâce à Martin Kopp, l’écothéologie, de Luther aux écoféministes, propose une solide refondation pour le protestantisme, ancrée dans les faits scientifiques, située dans l’époque.

Le diplôme de théologie en accéléré disponible à l’automne 2024 comprendra probablement cette option…

Chercheur en théologie, Matteo Bächtold devient entrepreneur. Il a créé une app visant la transparence totale pour tout acte de générosité. Selon Bächtold, la conception du don comme relation entre le donateur et Dieu au moyen de la personne à qui l’on donne ne s’applique pas au monde sécularisé et laïque. On ne donne pas d’abord pour sauver son âme, mais pour sauver la planète. Il s’agit d’ouvrir une dimension pédagogique et démocratique dans le don.

La directrice du Centre intercantonal d’information sur les croyances scrute et décrypte les mutations du religieux. Elle distingue phénomènes anodins et mouvements franchement problématiques en démocratie, ainsi les cercles d’hommes qui reconstruisent un masculin figé et des rôles de genre stéréotypés. Mais ceux qui investissent les nouvelles pratiques ont une agentivité.

Le manuel d’innovation communautaire publié en français par l’Office protestant d’édition alimente le changement et permet à chaque bénévole de paroisse de devenir acteur et actrice de son engagement. La solidarité change, mais ne disparaît pas. A quoi sert une paroisse? Espace de conservatisme ou espace de solidarité locale? Une société individualiste réclame des organisations efficaces et davantage d’horizontalité dans la structure de décision.

La responsable de la formation continue des ministres repense notre posture grâce à sa méthode de design thinking, de conception créative. Innover est peut-être contraire à la logique de toute institution, mais nous n’avons pas le choix. Il s’agit de rejoindre les intérêts actuels des gens. Pour beaucoup d’entre eux, l’espérance est un mot creux qui ne signifie rien. Inviter à s’investir parle plus qu’inviter à espérer. Le design thinking est utilisé en entreprise. Cela donne des offres d’évangélisation, de solidarité, de proximité. Les codes de conduite et les valeurs de l’Eglise réformée sont respectés. Face aux réfractaires aux changements, il faut être fier de ce qui est ouvert. La participation relève du sacerdoce universel décisif dans la théologie protestante où toutes et tous sont égaux devant Dieu, de la structure démocratique de l’Eglise et de la gouvernance partagée. Les pasteur.es gardent une fonction spécifique: elles et ils accompagnent d’autres personnes à travers leur foi. Elles et ils deviennent des facilitateur-ices. Les bénévoles ne se contentent plus d’exécuter les décisions.

A Laufen am Rheinfall (ZH), les jeunes participent aux discussions. Ils et elles sont friand.es de gouvernance horizontale. Certes tout le monde ne peut pas tout faire, mais l’avantage est que la structure n’est ni figée ni rigide. Il existe une responsable motivée et motivante. Parfois une excursion dans une arène de paintball vient remplacer un culte. La foi ne doit pas constituer un critère d’exclusion.

Le numéro de mars 2024 du mensuel Réformés ne nous surprend pas. Il a le ton du Matin Dimanche, de Femina, de 24 heures, des émissions de la RTS. L’idée principale est que l’Eglise, comme tout le reste, doit s’adapter à un changement inéluctable. On préfère la modernité fluide aux institutions stables. Les thèmes à la mode sont investis: l’écologie, le féminisme, l’inclusivité, l’ouverture.

L’Eglise réelle repose sur la Bible, la foi, l’espérance et l’amour. Elle comprend des pasteurs et des fidèles réunis dans des églises en vue de prier et de louer Dieu. Ce n’est pas rien. Les paroisses sont vivantes. Pour une certaine élite réformée, l’Eglise doit se subordonner aux valeurs de l’individualisme démocratique sous prétexte que nous sommes tous égaux devant Dieu. Nous ne discuterons pas ici de cette prétendue égalité, relevant à nos yeux d’une projection moderne sur les textes bibliques. La vulgate actuelle préfère aux termes d’égalité, de hiérarchie et d’autorité, sonnant trop durement aux oreilles modernes, ceux d’horizontalité, de verticalité et de gouvernance. La science managériale impressionne certains de nos coreligionnaires qui se soumettent à la loi de l’offre et de la demande, imaginant les entreprises comme des collectifs dépourvus de chefs.

Nous peinons à croire que cette science attirera de nouveaux fidèles. Elle détruira plutôt ce qu’elle veut réinventer.