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L’espace public appartient à tous

Jean-François Cavin
La Nation n° 2248 8 mars 2024

A Zurich, ce 3 mars, le peuple zurichois s’est prononcé sur une initiative des jeunes de l’UDC demandant que toute manifestation se déroulant sur le domaine public soit soumise à autorisation (actuellement seulement dès 100 participants prévus) et que les frais d’intervention et de sécurité soient à la charge des organisateurs ou des participants. Les initiants faisaient valoir qu’il y a presque une manifestation par jour en ville de Zurich, dont un tiers non autorisées, avec des interruptions des transports publics pratiquement tous les samedis, et que celles d’Extinction Rebellion, en 2021, avaient entraîné une intervention des forces de l’ordre coûtant 680’000 francs. Amnesty Suisse et d’autres organisations de défense des droits de l’homme, ainsi que les partis de centre-gauche, s’y opposaient, au nom des libertés d’expression et de réunion toujours plus menacées à leur avis.

L’initiative a été rejetée, mais un contreprojet a été nettement approuvé; il prévoit l’autorisation dans tous les cas et que les interventions extraordinaires de la police soient facturées aux personnes qui commettent des actes de vandalisme pendant la manifestation. Il vaut la peine d’examiner la question, car des règles analogues sur la facturation des frais existent à Berne et à Lucerne, et une initiative semblable à celles des jeunes UDC est en cours de signature à Bâle-Ville.

La liberté de manifestation n’est mentionnée ni dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de l’ONU, ni dans la Convention européenne des droits de l’homme, ni dans la Constitution fédérale helvétique. Mais des auteurs disent qu’elle découle des libertés d’expression et de réunion conjuguées; le Tribunal fédéral semble le penser aussi; la Constitution vaudoise, elle, la mentionne expressément en relation avec la liberté de réunion, tout en réservant un régime d’autorisation en cas d’usage du domaine public. Certains s’étaient opposés à cette reconnaissance lors de la révision totale de 2003.

Il nous paraît abusif de concevoir la liberté de manifestation comme corollaire des libertés d’expression et de réunion. Il y a cent manières d’exprimer son opinion ou sa croyance, oralement, en conférence, dans la presse, par affichage, par le livre, sur les réseaux sociaux, autres que l’organisation de cortèges. Les réunions se tiennent normalement dans des salles. L’occupation de l’espace public est d’une tout autre nature.

Les manifestants de rue cherchent la visibilité. On peut le comprendre lorsqu’ils mobilisent le grand nombre. Mais combien de manif’s médiocres qui se trouvent relayées par une presse complaisante, prête à dépêcher un rédacteur et un photographe pour donner écho à quelques dizaines de revendicateurs! Les manifestants de rue visent aussi à interpeller la population en bloquant la circulation. Et ça, c’est inadmissible. Monsieur et Madame Tout-le-monde, qui vaque à ses affaires, se rend à une consultation médicale, va trouver sa vieille maman en EMS, se dirige vers le théâtre ou la salle de concert, a plus le droit de parcourir l’espace public que les manifestants de le monopoliser – parce que c’est l’espace public. Cette manière de quelques-uns d’en réclamer l’usage privilégié, en prenant en otage l’ensemble des autres citoyens, est scandaleuse.

Si l’on ajoute les risques de débordements, qui ne sont pas rares, et de dommages aux propriétés, on est près de militer pour l’abrogation de la liberté de manifestation, si tant est qu’elle existe. Pour demeurer modéré, on souscrit pleinement à l’exigence d’une autorisation, à la facturation des frais dépassant la simple surveillance, mais aussi à l’attribution de lieux de réunion ne perturbant pas le cours de la vie ordinaire. A Lausanne, la place de la Riponne, hors jours de marché, et l’esplanade de Montbenon, où Druey dressa déjà son échelle, permettent de réunir des foules clamant leur souffrance ou appelant les lendemains qui chantent.

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