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Un fonctionnaire dans chaque ferme

Olivier Klunge
La Nation n° 2265 1er novembre 2024

Le Parlement fédéral a modifié les règles du développement territorial hors zone à bâtir le 29 septembre 2023. Nous avions salué plusieurs objectifs de cette révision de la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT), tout en regrettant le caractère bureaucratique et l’aspect tatillon de plusieurs dispositions1. En particulier, nous critiquions l’obligation pour les Cantons de définir un concept permettant d’atteindre les objectifs de stabilisation des bâtiments et des surfaces imperméabilisées hors zone à bâtir.

La proposition de mise en œuvre de ces dispositions par l’administration fédérale, dans un projet d’ordonnance (OAT)2, a confirmé nos craintes.

Alors que la Confédération devrait se contenter de fixer des principes généraux, laissant aux Cantons la compétence de les mettre en œuvre, selon les spécificités de leur territoire respectif, la nouvelle mouture de l’OAT suit la tendance de l’Office fédéral du développement territorial (ARE) à ôter aux Cantons toute marge de manœuvre et d’appréciation, tout en les soumettant à un contrôle vétilleux.

Par exemple, l’article 25d OAT liste les éléments qu’un permis de construire devra contenir. L’article 25e soumet les Cantons à un examen périodique du respect des objectifs d’imperméabilisation «au moins tous les quatre ans». L’article 32a précise en détail les caractéristiques (dont la forme et la teinte) des installations solaires admissibles en façade. Les 43b et 43c prescrivent aux Cantons des règles de procédure pour les décisions d’exécution à prendre. Il s’agit d’une violation des compétences cantonales. Nous espérons que l’Etat de Vaud aura le courage, non seulement de s’opposer à ces règles lors de la consultation, mais de les attaquer au Tribunal fédéral pour défendre sa souveraineté.

Nous partageons l’objectif de stabilisation des bâtiments et surfaces imperméabilisées pour protéger le caractère agricole de la zone à bâtir. Mais nous regrettons que les juristes fédéraux interprètent ces principes de manière rigide, oubliant les besoins d’une agriculture en pleine évolution. Le projet prévoit de considérer que l’objectif de stabilisation est atteint si le chiffre n’a pas évolué de plus d’un seul pourcent par rapport à la situation au 29 septembre 2023.

Pour être sûr que le calcul ne soit pas trop aisé ou trop large, il faudra établir un bilan des constructions et installations existantes à cette date sans tenir compte des constructions illicites (soit des constructions qui n’ont pas obtenu toutes les autorisations idoines parfois il y a 30 ans). Le chiffre de référence est donc impossible à connaître sans avoir étudié la situation juridique complète de chacun des bâtiments en zone agricole. Faudra-t-il un fonctionnaire autour de chaque ferme ou silo? De plus, cette règle diminue encore le faible pourcent de marge en tenant compte non de l’état réel des constructions en 2023, mais d’un état théorique moindre.

L’Union suisse des paysans et Prométerre proposent de prendre plutôt comme référence la croissance en nouvelles constructions des vingt dernières années. Ainsi, le critère de stabilisation serait atteint si le développement des constructions est maintenu en-deçà des moyennes historiques. Plutôt que de céder au schématisme centralisateur, on tiendrait ainsi compte des besoins inégaux de chaque Canton. L’agriculture de montagne n’a pas besoin des mêmes outils que l’agriculture de plaine.

La volonté de contrôle pointilleux des bâtiments en zone agricole va jusqu’à revenir sur d’autres objectifs récents de la Confédération. Le Mantelerlass, adopté par le peuple en juin dernier, a supprimé l’exigence pour les installations photovoltaïques de prendre place dans des parties du territoire peu sensibles. Le projet d’article 32d, alinéa 3, OAT veut maintenant leur imposer une pesée des intérêts complète, annihilant la simplification précédente. On fait un pas en avant et deux en arrière.

L’aménagement du territoire est et doit rester une compétence cantonale. L’accélération de la centralisation de cette matière est encore accentuée par la mise en œuvre bureaucratique proposée par l’ARE. Ce faisant, on augmente l’écart entre les objectifs utopiques et la réalité du terrain.

Notes:

1      «Hors zone à bâtir», La Nation n° 2245 du 26 janvier 2024.

2     Révision de l’OAT mise en consultation le 19 juin 2024 par l’ARE.

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