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Déluge de notes sur le Pays de Vaud

Frédéric Monnier
La Nation n° 1992 2 mai 2014

C’est une page entière de La Nation qu’il faudrait consacrer aux innombrables concerts (classiques et autres) qui ont fleuri en ce début de printemps dans le Pays de Vaud. La plupart sont bien sûr en lien avec le temps de la Passion qui a inspiré leurs plus belles pages à de nombreux compositeurs. On peut voir dans ce foisonnement un besoin plus ou moins diffus de nourriture spirituelle au sein d’une société qui se déchristianise peu à peu. Mais ce besoin contribue peut-être à freiner cette déchristianisation par le fait que bien des mélomanes guère pratiquants gardent par là, nolens volens, un lien avec l’Ecriture sainte.

Dans le domaine de la musique sacrée, Jean-Sébastien Bach reste la référence suprême, l’alpha et l’oméga de la musique occidentale, la source à laquelle chacun, interprète ou mélomane, ne cesse de s’abreuver; il n’y a donc rien d’étonnant à ce qu’il figure en première place dans les programmes, au détriment, il est vrai, d’œuvres originales et intéressantes. Nous avons déjà évoqué dans ces colonnes les concerts-passions donnés à l’abbatiale de Payerne (La Nation n° 1989 du 21 mars dernier); or la Passion selon saint Jean et la Passion selon saint Matthieu ont également été interprétées ailleurs dans le Canton: la première à Romainmôtier (Vendredi- Saint 18 avril) avec l’Ensemble vocal Bis sous la direction d’Olivier Piguet, la seconde à la cathédrale de Lausanne (16 et 17 avril) avec le chœur Vivace et l’Ensemble choral de La Côte réunis sous la direction de Christophe Gesseney. Autre puissant chef-d'œuvre du Cantor de Leipzig, la Messe en si mineur a été exécutée le dimanche 13 avril dernier au temple de Lutry. De Joseph Haydn, on aura pu entendre la version oratorio des Sept dernières paroles du Christ à l’église Saint-François de Lausanne (13 avril) et au temple de Morges (17 avril). La cathédrale de Lausanne (2 avril) et le temple du Sentier à la Vallée de Joux (4 avril) ont accueilli les chœurs lausannois Laudate Deum et Pro Arte, soutenus par l’orchestre de chambre de Genève sous la direction d’Arie van Beek, pour l’interprétation d’une des plus grandes passions du XXe siècle, le Golgotha de Frank Martin. Le chef-d'œuvre du compositeur genevois avait déjà été donné en 2010 dans la capitale vaudoise: ce n’est pas pour nous déplaire qu’il devienne une œuvre quasi populaire et un incontournable du répertoire. Enfin, pour rester dans les musiques pascales, l’Ensemble vocal de Lausanne, sous la direction de son fondateur (et jeune octogénaire!) Michel Corboz, a interprété le 6 avril à Romainmôtier les Sept Paroles du Christ sur la Croix de Gounod, écrites dans le style palestrinien; lors de ce concert, les mêmes musiciens nous ont fait découvrir une autre œuvre sacrée de Gounod: sa Messe de Requiem écrite à la mémoire d’un petit-fils décédé à l’âge de cinq ans et que le compositeur n’entendra du reste pas de son vivant; les mélomanes présents ont eu droit à une remarquable interprétation de cette partition émouvante que l’Ensemble vocal de Lausanne a du reste enregistrée en 2010 sous le label Mirare.

Dans le domaine de la musique profane, l’Association des concerts de Montbenon a proposé, dans le cadre de son cycle printanier de récitals de piano Fortepianissimo, un concert du pianiste vaudois Jean-François Antonioli, le vendredi 11 avril à la salle Paderewski, avec un programme constitué uniquement d’œuvres de compositeurs français (Fauré, Ravel, Debussy, Dutilleux et… Honegger, mais ce dernier, né au Havre, est le plus français des compositeurs suisses!), ce qui est suffisamment rare et audacieux pour être signalé.

Nous ne saurions terminer cette recension loin d’être exhaustive de diverses manifestations musicales qui ont eu lieu ces dernières semaines sans dire un mot du concert que le quatuor Sine Nomine a donné le 30 mars dernier à la Fondation l’Estrée à Ropraz. Les quatre musiciens vaudois ont interprété l’intégrale de l’œuvre pour quatuor à cordes de Julien-François Zbinden, en présence du compositeur, nonante-six ans en novembre dernier… Le musicien avait dépassé la soixantaine quand il s’est décidé à écrire son premier quatuor; pour la même formation, une deuxième œuvre fort brève (un peu plus de cinq minutes) a vu le jour en 1983; enfin, en 2011 (à plus de nonante ans!), il écrit un second quatuor dédié aux membres du Sine Nomine et créé en mars 2012 à l’Octogone de Pully par les dédicataires. De ces œuvres, nous avons admiré la clarté de l’architecture et la concision (moins d’une heure de musique pour le tout), ainsi qu’un sens mélodique certain ajouté à un goût prononcé pour le déhanchement rythmique (l’auteur ne fut pas pour rien pianiste de jazz). Ce concert a été enregistré par la Radio romande et fera l’objet d’une parution discographique, ce dont on ne peut que se réjouir, car ces œuvres méritent la réécoute et une diffusion plus large.

Enfin, et pour parler cette fois de concerts à venir, nous signalerons, pour son originalité, celui donné par l’Ensemble vocal et instrumental ad’Opera sous la conduite de Christian Baur le 2 mai à 20h30 à l’église de Montcherand et repris le 18 mai à 17h au Prieuré de Pully. Il s’agit d’un «concert folisophique» intitulé Erasmus, La Nef de la Folie, comprenant la lecture d’extraits de l’«Eloge de la Folie» d’Erasme et de «La Nef des fous» de Sébastien Brandt (1458-1521), entre lesquels seront intercalées autour de cette thématique des pièces musicales variées allant du XVe au XVIIIe siècle et provenant d’Espagne, de France, de Hollande, d’Allemagne et de Suisse (Erasme est enterré à Bâle et Brandt y a enseigné).

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