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Finances vaudoises: attention au virage à gauche!

Cédric Cossy
La Nation n° 1992 2 mai 2014

Recettes fiscales surabondantes, surcompensant les hausses des charges d’exploitation, explosion des coûts dans le secteur santé-social malgré la facture sociale refilée aux communes, investissements d’infrastructure insuffisants et prenant du retard, tromperie répétée sur les recettes mises au budget: c’est au mot près que nous pourrions reprendre nos commentaires1 sur les comptes 2011 et 2012 de l’Etat de Vaud pour parler de l’exercice 2013.

Il y a aussi de bonnes nouvelles. La dette vaudoise est réduite pour la neuvième fois consécutive pour atteindre 475 millions. Malgré le manque à gagner (50 millions) lié à l’absence de dividendes de la BNS, le compte d’exploitation affiche un excédent de 847 millions (soit 9% des revenus) avant écritures de bouclement. Celles-ci permettent, outre la constitution de quelques réserves, d’injecter 735 millions (contre 94 au budget) dans la recapitalisation de la caisse de pensions de l’Etat de Vaud (CPEV). Après la tranche de 575 millions prélevée sur les excédents de l’Etat en 2012, il ne manque désormais que 130 millions à trouver d’ici l’an… 2056 pour répondre aux exigences de refinancement fixées par la Confédération.

Tentons ici une rétrospective sur la dernière décennie des comptes vaudois. Depuis 2003, la population a augmenté de 13% et le coût de la vie de 4,2%. Une croissance économique de l’ordre de 18%, soit la combinaison des deux facteurs, aurait ainsi été nécessaire pour maintenir le niveau de vie dans le Canton. Or, dans le même temps, le PIB cantonal a augmenté de 28%, les revenus imposables cumulés des Vaudois de 31% et leur fortune déclarée de 20%: la prospérité moyenne de la population vaudoise a donc progressé en valeur nette.

L’Etat profite en premier lieu de cette belle santé. Bascules de charges et de points d’impôts entre Canton et communes prises en compte2, les recettes du Canton ont en dix ans enflé de 48%. Les impôts en particulier se sont envolés de 65%! C’est d’abord le contribuable vaudois, puis les entreprises qu’il faut remercier pour l’assainissement des finances vaudoises.

Aucune félicitation n’est à accorder à l’Etat: ses dépenses ont, dans le même temps, gonflé de 40%. C’est plus du double de toute nécessité démographique ou inflationniste, mais c’est surtout bien plus que l’accroissement de la prospérité vaudoise. Ces dépenses seraient acceptables si elles avaient servi à développer l’infrastructure nécessaire au développement du Canton. Mais les investissements bruts de l’Etat affichent une moyenne annuelle de 280 millions sur la décennie (2013 est exactement dans la moyenne), soit un tiers de moins que lors de la décennie précédente.

A quoi donc l’Etat a-t-il utilisé les 9,3 milliards dépensés en 2013 et quelle a été la progression de ces dépenses sur dix ans? L’enseignement se taille la part du lion avec près de 2,7 milliards (+ 52%). La démographie scolaire (+11%) ne suffit de loin pas à expliquer cette hausse des coûts. Les têtes sortant du système scolaire vaudois n’en sont pour autant ni mieux pleines, ni mieux faites.

La prévoyance sociale vient en seconde position avec 2,1 milliards (+70%) pour le Canton. Si l’on inclut la part basculée aux communes en 2004, la hausse dépasse les 150%! On peut s’interroger sur cette explosion intervenue durant une période où, on l’a vu, la prospérité des Vaudois a précisément augmenté. Ceci montre que l’Etat dispose pour sa politique sociale de moyens dont il n’aurait pu rêver il y a une décennie. Si la précarité concerne encore une partie de la population vaudoise, ce n’est donc pas faute d’argent disponible, mais plutôt à cause d’une utilisation inappropriée de celui-ci.

L’administration générale a pesé près de 1,2 milliard. Cette hausse de 250% relativement à 2003 se réduit à 40% une fois la recapitalisation de la CPEV déduite. Cette augmentation reste néanmoins choquante dans un des seuls domaines où l’on pouvait espérer des économies d’échelle.

Environ 620 millions vont à la sécurité publique (+39%) et 455 millions sont consacrés à l’économie publique (+34%). Ces hausses, dans la moyenne cantonale, n’appellent pas de commentaires particuliers.

L’Etat a réussi à contenir les hausses de coûts en-dessous de celle du PIB pour quelques secteurs: la santé coûte ainsi 1,05 milliard au Canton (+16%). Ce résultat reflète tant une maîtrise des dépenses dans ce domaine sensible qu’un retard dans le développement et l’entretien des infrastructures médicales. Une hausse de l’ordre de 10% est d’ailleurs attendue pour 2014.

La tenue des finances et la récolte des impôts coûtent 630 millions (+15%). Ce résultat est extrêmement décevant au vu de la réduction de 220 millions enregistrée sur les intérêts de la dette. Enfin, la hausse modérée des dépenses liées au trafic (360 millions, +10%) sent sérieusement le bouchon: elle confirme dix ans de mauvais développement des infrastructures de transport, pourtant si nécessaires à la poursuite du développement cantonal.

Le bilan sur dix ans montre un Etat incapable de maîtriser ses coûts de fonctionnement, excessivement généreux – d’ailleurs partiellement aux frais des communes – dans le domaine social. Les charges structurelles durables ajoutées sur la décennie ne sont supportables qu’avec une poursuite de la croissance. Si celle-ci venait à stopper, l’alternative consisterait à replonger dans la spirale de l’endettement, ou à soutirer plus aux contribuables, soit ceux-là même qui viennent de refinancer le Canton.

Nous prenons la présence de M. Maillard aux côtés de M. Broulis, lors de la présentation des comptes, comme le signal d’une relance de la politique sociale vaudoise. La promesse d’une réduction progressive de la fiscalité des entreprises est liée au maintien de la bonne santé des comptes et à une réduction de la part vaudoise dans la péréquation intercantonale. Cette réduction pourrait être interrompue en tout temps si la conjoncture venait à se détériorer. Les dépenses de l’ordre de 170 millions annoncées au titre du soutien au pouvoir d’achat n’ont par contre rien de conditionnel. Selon nos informations, la gauche prévoit, pour financer ces nouveaux outils sociaux, de reprendre indirectement ce qui a été cédé sur l’imposition aux entreprises, en augmentant les prélèvements directs sur les salaires.

Grâce à la gestion d’un grand argentier de droite, le Canton a remboursé la quasi-totalité de sa dette, a anticipé la recapitalisation de sa caisse de pensions et se prépare à un excédent 2014 que nous estimons au demi-milliard en raison de la sous-évaluation budgétaire des rentrées. Ce pont d’or offert à l’actuel gouvernement de gauche lui donne les moyens de financer tout ce que pourra lui suggérer la démagogie électorale.

 

Notes:

1 La Nation n° 1939 du 20.04.2012 et n° 1967 du 17.05.2013

2 Nous pensons surtout aux 22,5 points d’impôts basculés des communes à l’Etat dans le cadre d’EtaCom en 2004, ainsi qu’à quelques bascules mineures intervenues depuis 2011.

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