Détournement d’avion

Le quotidien 24 heures a publié sur son site internet, le 26 avril, un article de l’Agence télégraphique suisse consacré aux ambitions présidentielles de l’actuel premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan. Tout occupé sans doute à vérifier l’orthographe du nom de ce dernier, le journaliste de service a écrit: «Scandale de corruption, écoutes téléphoniques ou contestation populaire, rien n’aura empêché le premier ministre turc de se détourner de son objectif: parvenir cet été au poste de premier président élu par le peuple.»

Donc, si on lit bien, rien ne l’aura empêché de se détourner de son objectif, qui est de parvenir au poste de président. On ne voit pas très bien pourquoi il désire tant se détourner de son objectif, mais si rien ne l’en empêche, tant mieux pour lui – et peut-être pour nous aussi.

Les journalistes devraient éviter de jouer avec des phrases trop compliquées pour eux: un contresens est si vite arrivé! Imaginez un peu que cela se produise dans un article essentiel pour la ligne éditoriale de 24 heures, par exemple contre l’achat du nouvel avion de combat Gripen (chaque jour, les meilleurs spécialistes aéronautiques de la Pravda lausannoise nous rapportent les faits troublants, inquiétants, alarmants qui leur sont communiqués par la sœur de la voisine de leur belle-mère, qui est membre du GSsA). Imaginez qu’une erreur se glisse dans l’une de ces contributions majeures et qu’on nous affirme finalement que rien ne doit empêcher les citoyens de se détourner de leur tentation de ne pas voter OUI.

Les Suisses, s’ils conservent une armée digne de ce nom au-delà du 18 mai, devront une fière chandelle à M. Recep Tayyip Erdogan.