Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

L’hydraulique à sec

Jean-François Cavin
La Nation n° 2005 14 novembre 2014

Le marché de l’électricité est déréglé. Plusieurs Etats – surtout l’Allemagne, aussi la Suisse – subventionnent fortement les nouvelles énergies renouvelables (éolienne, solaire); comme leur apport est intermittent et irrégulier, de puissantes centrales à énergie fossile, chez nos voisins du nord, produisent simultanément du courant; et continûment, car il serait trop coûteux de les éteindre et de les rallumer selon les besoins, si bien qu’il y a surproduction et vente à prix de liquidation. La bourse européenne affiche des montants de 3 à 5 centimes par kWh, parfois moins, voire zéro!

Notre pays contribue à sa manière à la surproduction en garantissant le rachat à prix coûtant (quatre ou cinq fois plus que le prix moyen du marché) de l’électricité produite dans des conditions onéreuses et aléatoires, provenant du soleil et du vent. Il entend ainsi préparer la transition vers l’abandon des centrales nucléaires (hâtivement proclamé après l’accident de Fukushima, alors que le Japon lui-même veut remettre en service certaines usines atomiques) et faciliter l’essor de techniques qu’on espère rentables dans l’avenir; ce qui est possible pour le solaire, mais non pour l’éolien dont la productivité ne progresse pratiquement plus.

Or cette situation a un autre effet: elle rend non rentable l’électricité hydraulique, en butte à la concurrence subventionnée; elle condamne notre mythique houille blanche, helvétique à 100 %, non polluante, injectable à volonté, notre trésor alpin. Les compagnies n’investissent plus dans ce domaine, où il y aurait encore des possibilités d’agrandissement et d’optimisation. Pire: on renonce à l’entretien; la centrale de Chandolin, nous dit-on, est à l’arrêt. Et pendant ce temps, nous importons du courant allemand générateur de CO2… Belle victoire environnementale!

Les compagnies productrices, dont la santé financière suscite ici ou là quelques inquiétudes, notamment pour les dernières qui ont investi dans le pompage-turbinage, demandent l’aide publique. Les seigneurs des barrages deviennent mendiants. Il en est question à propos du paquet de la «Stratégie énergétique 2050», mûre pour être traitée au Conseil national. Mais une subvention n’est jamais accordée sans conditions, ce qui signifie que l’Etat central deviendrait responsable des investissements de ces entreprises, dont la fédéralisation à froid n’aurait rien de plaisant.

Pourquoi ne pas instituer une protection globale, non dirigiste au niveau des entreprises, en créant une taxe à l’importation? Un prix plancher serait fixé, correspondant au prix de revient d’une électricité non subventionnée sur le marché européen. Son produit pourrait être versé à Swissgrid, le transporteur.

Nos hydro-électriciens retrouveraient leur compétitivité, à armes égales. Objection numéro 1: cela renchérirait le courant pour nos industriels, dont certains profitent des prix bradés; mais quelques petits centimes sur le kWh ne les mettront pas en péril. Objection numéro 2: l’Union européenne ne serait pas d’accord avec cette entrave au libre commerce; mais elle est aussi hostile aux subventions qui distordent la concurrence et cherche à mettre de l’ordre dans ce domaine; nous tirerions en fait à la même corde.

L’enjeu est le maintien de notre patrimoine hydroélectrique.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: