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Une caisse publique cantonale? La servitude offerte n’est pas la souveraineté

Félicien Monnier
La Nation n° 2005 14 novembre 2014

Suite à l’échec de l’initiative pour la caisse maladie publique, les perdants du vote ont proposé la mise sur pied de caisses publiques cantonales. Leur but demeure le contrôle et la gestion totale par l’Etat des coûts de la santé. Ce n’est pas la première fois qu’un vote fédéral diviseur donne à imaginer des solutions cantonales différenciées. Nous esquissons quatre possibilités d’évolution. Les deux premières, de nature légale ou constitutionnelle, vont dans le sens des perdants de la caisse unique. Les deux autres nous conviennent.

Variantes faussement fédéralistes

Les socialistes semblent prêts à se contenter d’une simple modification de la LAMal. Celle-ci laisserait aux cantons qui le souhaitent la possibilité d’exclure les caisses privées de leur territoire, et de les remplacer par une caisse publique d’affiliation obligatoire. Extraite de la concurrence, elle appliquerait le catalogue de prestations de la LAMal.

Même facultatif, il s’agit d’un système de fédéralisme d’exécution des plus typiques: la loi fédérale est appliquée par des autorités cantonales. Que la LAMal fixe l’organisation de la caisse cantonale facultative, même dans les détails, est parfaitement imaginable. Ce régime est différencié tant que le régime des caisses privées demeure dans les cantons qui n’ont pas opté pour la caisse publique.

Modifier la LAMal exige cependant une majorité parlementaire loin d’être acquise aujourd’hui. M. Maillard évoquait récemment le lancement possible d’une initiative populaire constitutionnelle1. Il s’agirait toujours de fédéralisme d’exécution différencié, comme avec une modification de la LAMal. En plus, cette variante renforce la mauvaise habitude de fixer les tâches cantonales d’exécution (car il ne s’agit pas ici d’une compétence politique) dans la Constitution fédérale.

Les perdants du 28 septembre repoussent les questions de souveraineté à l’arrière-plan, voire y sont indifférents. Pour Stéphane Montangero, président du PS vaudois, le niveau de décision reste secondaire2. Seule compte la baisse des primes.

Les partisans de la réforme, tel Mauro Poggia (MCG), en appellent faussement au fédéralisme. Le fédéralisme d’exécution ne respecte pas les souverainetés cantonales. Il utilise les cantons comme des censeurs locaux et les relègue au statut d’entités administratives. MM. Poggia et Maillard n’admettent les spécificités locales que pour des questions organisationnelles ou, plus sournoisement, pour servir de laboratoires à la prochaine réforme fédérale.

Souveraineté et différenciation

Les perdants de la caisse publique invoquent des différences de conception entre plusieurs régions de Suisse. Ils doivent donc accepter que certains cantons souhaitent des systèmes distincts à la fois du régime actuel et de celui de la caisse publique, cantonale ou non. Nous pensons notamment que le Canton de Vaud peut mener lui-même une politique de santé complète. Une solution où il serait autorisé, par le droit fédéral, à instituer une caisse unique n’est pas satisfaisante. Une souveraineté complète réunit compétence de décision et modalités d’exécution.

Supprimer l’art. 117 de la Constitution fédérale constituerait la variante la plus radicale. La Confédération perdrait sa compétence en matière d’assurance- maladie. Celle-ci retournerait automatiquement aux cantons, sur la forme et sur le fond. Une telle variante, qui conviendrait vraisemblablement aux grands cantons, a très peu de chance d’être évoquée dans un avenir proche.

La variante que nous sommes prêts à soutenir est celle du fédéralisme différencié. La Constitution fédérale devrait être modifiée pour permettre aux cantons qui le demandent de se faire rétrocéder leur compétence en matière d’assurance maladie. Le catalogue des prestations serait fixé au niveau cantonal et ces cantons décideraient librement de l’organisation de leur système d’assurance-maladie. L’obligation d’affiliation pourrait notamment être relativisée. Cette solution prend en compte la souveraineté, les intérêts et les capacités réelles des cantons. Surtout, cette variante permettrait aux cantons de mener une discussion locale sur le système de santé, puis d’adopter les solutions les plus adaptées aux réalités cantonales. Par ce biais, la liberté des cantons en matière d’assurance maladie est assurée pour l’avenir. Ils ne se contenteraient pas de choisir un système dont l’existence et l’évolution dépendent du droit fédéral et de ses aléas parlementaires.

Notes:

1 Pierre-Emmanuel Buss, «Après la défaite, une nouvelle initiative pour créer des caisses cantonales», Le Temps, lundi 29 septembre 2014.

2 RTS, 19:30 du dimanche 28 septembre 2014.

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