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Migrants vus de Sirius

Jacques Perrin
La Nation n° 2020 12 juin 2015

Deux articles récents sur les migrations ont retenu notre attention. Le premier, dans Le Temps, transcrit les propos de M. François Crépeau, rapporteur canadien de l’ONU sur les droits des migrants ; M. Pierre Dessemontet, géographe et président du PS yverdonnois, signe le second dans 24 heures. S’autorisant de sciences telles que l’histoire, la géographie, la démographie ou la paléontologie, ces deux messieurs nous disent en substance que les migrations massives comptent parmi les phénomènes récurrents auxquels il est vain de s’opposer. Les pays d’accueil ne peuvent que les aménager pour en tirer avantage au lieu de se cabrer et de provoquer des violences.

Une double page récente de 24 heures enfonce le clou : d’un côté (page 2), le tsunami gris, autrement dit le vieillissement de la population autochtone ; de l’autre (page 3), l’afflux de migrants sur les côtes italiennes. L’affaire est résumée ainsi : il faut organiser la prise en charge de ces réalités auxquelles on n’échappe pas.

M. Dessemontet précise que, comme l’Europe centrale, l’Italie et l’Allemagne pâtissent d’un déficit démographique et qu’il y a toujours moins de personnes actives, il faut accueillir en Europe environ 1'000'000 de migrants par an pour compenser les effets de la dénatalité indigène. Il ajoute que c’est notre plus grande chance.

Quant à M. Crépeau, dans une interview sans fard, il accuse l’Europe d’être dans le déni. Une réalité est tue. Il faudra toujours de la main-d'œuvre peu qualifiée. Les employeurs ont besoin des migrants pour les travaux de nettoyage et de construction, les soins à domicile, l’agriculture. Comme cette main-d'œuvre ne se trouve plus en Europe, il suffit de laisser couler le flux naturel de l’immigration vers notre continent, organiser la vague au lieu de la subir. Les lois du développement historique confortent cette vision. Après tout, c’est l’histoire de l’humanité […] la sédentarisation est récente, dit Crépeau. Comme pour la drogue et l’alcool, il est recommandé de ne pas interdire l’immigration clandestine, mais de la réglementer. Du reste, des études scientifiques récentes démentent que les étrangers volent nos emplois, nourrissent l’insécurité et modifient nos valeurs.

Nous ne refusons pas les vérités établies par les sciences sous prétexte qu’elles ne nous conviennent pas. Il est possible que MM. Crépeau et Dessemontet aient raison. Nous ne contestons pas leurs chiffres. Un phénomène de vases communicants est probable dans le cas qui nous occupe. Un continent se dépeuple, les populations voisines augmentent : le trop-plein déborde et comble les vides.

Ce n’est pas la foi dans les sciences qui nous choque, mais l’idéologie à peine dissimulée qui enrobe cette confiance. On la devine derrière la posture du savant froid qui s’adresse à nous de Sirius. De quoi est-elle faite ? L’insouciance et l’orgueil en sont les marques. Elle met les nations, donc la politique, hors jeu. Elle se place immédiatement au niveau mondial où se produisent les phénomènes prétendument inéluctables. A cause des exigences du bien-être individuel et des besoins de l’économie, il est inimaginable qu’un peuple veuille sacrifier un peu de sa prospérité et limiter l’immigration. L’idée que les citoyens soient attachés à leur mode de vie, à leurs mœurs, voire à un certain type physique, et que cet attachement puisse engendrer des conflits avec les migrants, n’effleure pas les savants. M. Crépeau prétend que l’immigration ne modifie pas nos « valeurs ». Qu’entend-il par « valeurs » ? Manifestement « consommation », « tolérance », « croissance », « extension des droits humains », etc. Ne serait-ce que pour donner corps à ces « valeurs », il faut exister. Et les nations d’Europe n’ont-elles pas des trésors plus substantiels qu’elles pourraient conserver et transmettre à des immigrés assimilables ?

Sous leurs airs d’experts imperturbables, MM. Dessemontet et Crépeau nous persuadent que nous sommes des citoyens du monde, tous semblables, tous soumis aux sublimes « valeurs »… nées en Occident. Qu’importe que les uns disparaissent pour laisser place à d’autres, du moment que la machine à produire des droits égaux continue de tourner ?

Le terme « migrant » remplace dans les médias celui d’« immigré ». Il s’agit de donner l’impression d’un flux incessant. On pouvait espérer naguère que les immigrés s’installeraient dans nos pays pour y être assimilés et faire souche. Le migrant d’aujourd’hui vient, réclame des droits, fonde une « communauté » avec ses semblables, entre en conflit avec ses hôtes et les autres « communautés », s’en va, revient, au gré de fluctuations que les derniers hommes véritablement politiques maîtrisent à grand peine.

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