Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Totalitarisme

Julien Donzel
La Nation n° 2026 4 septembre 2015

Une des caractéristiques propres de l’être humain est de pouvoir penser au futur. Notre vie entière – ou presque – est conçue comme une préparation pour la suite. Mais quelle suite? A cette question, les réponses abondent; et là où les moins créatifs ou les plus sceptiques affirmeront que rien ne changera vraiment, d’autres s’adonnent à des fantaisies utopistes ou, au contraire, nous prédisent un avenir sombre.

Parmi ces derniers, dont les mondes futurs s’appellent «dystopies», les deux plus célèbres sont sans doute George Orwell, auteur de 1984, et Aldous Huxley, du Meilleur des mondes. Or, ces deux futurs, aussi répugnants l’un que l’autre, sont diamétralement opposés… et pourtant, chacun regorge d’éléments qui commencent à se multiplier dans notre vie. Nous dirigeons-nous vers un futur abominable, et pourtant prévu longtemps à l’avance? La réponse est dans les livres!

Commençons par 1984. Dans ce monde, trois superpuissances se livrent une guerre perpétuelle mais inutile, tandis qu’à l’interne domine un régime totalitaire. Celui-ci surveille constamment les membres du Parti, qui lui permettent de gérer son immense empire grâce à quatre ministères: le Ministère de la Paix, chargé de mener la guerre; le Ministère de l’Abondance, qui doit convaincre tous ceux qui meurent de faim qu’ils n’ont jamais eu autant à manger; le Ministère de la Vérité, dont les employés révisent à longueur de journée tous les journaux passés pour «corriger» les archives; et le plus terrifiant, le Ministère de l’Amour, qui dans ses profondeurs brise les esprits des réfractaires pour n’y laisser que la dévotion au Parti.

Tout n’est que mensonges; même la guerre ne tend pas à la victoire. Celle-ci mettrait en contact la populace avec d’autres, et on arriverait inévitablement à un mouvement d’union sociale impossible à réprimer. Non, la guerre ne sert qu’à mettre au travail la population, sans pour autant augmenter son niveau de vie.

Dans le Meilleur des mondes, la situation est tout autre: dans une terre unifiée et gouvernée par onze «contrôleurs», les gens sont nés et grandissent dans des bouteilles sur une chaîne de production. L’eugénisme rend certains plus intelligents, et d’autres moins capables; un conditionnement constant – les enfants grandissent dans des dortoirs communs avec des haut-parleurs sous leurs coussins – prépare tous les citoyens à vouloir ce qu’ils peuvent avoir. Dans ce monde, le consumérisme est roi: la règle d’or est d’assouvir tous ses désirs. La promiscuité et le libertinage deviennent la norme, et même la morale.

Tout cela crée une société d’enfants, et de plus, d’enfants qui ne connaissent pas les émotions; personne n’est triste, personne ne souffre – et du coup, l’art n’existe pas, ni la volonté, ni même un désir de spiritualité – les atrophiés de l’eugénisme n’en sont même pas capables.

On pourrait se dire que ce sont là des futurs décidément loin de notre société composée de gens raisonnables, spirituels; une société de gens libres, qui ne se laissent pas opprimer.

Pourtant, il n’y a que trop de ressemblances. Les gouvernements du monde disposent des moyens de nous surveiller – et les utilisent! La propagande, que nous ne reconnaissons pas lorsqu’elle est bien menée, forme nos opinions, sans que nous y fassions attention. Le consumérisme nous pousse à ne pas résister aux tentations vaines, et un glissement  des mœurs (qui ne date pas d’hier) tend presque à encourager les gens à se désintéresser des thèmes importants.

Finalement, au lecteur de décider; face au consumérisme, sommes-nous une société raisonnable ou infantile? Face aux abus de droit des Etats, sommes-nous révoltés ou passifs? Mettons-nous plus en avant l’art, ou les futilités?

Les auteurs de ces romans ont leur opinion; c’est à chacun de nous, maintenant, de se forger la sienne – et d’agir en conséquence.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: