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Sombres perspectives pour le tourisme

Cédric Cossy
La Nation n° 2026 4 septembre 2015

Un compte-rendu de l’assemblée de la Fédération suisse du tourisme (FST), signé de l’ATS dans Le Nouvelliste du 22 août, nous apprend que les étrangers boudent la Confédération à cause du franc fort. Le président de la FST Dominique de Buman a exhorté les acteurs de la branche à tirer à la même corde, citant le secteur agricole en exemple: «Cette approche est parfaitement maîtrisée par la branche agricole, même si les agriculteurs n’ont pas tous les mêmes intérêts à défendre.» M. de Buman a notamment souligné la nécessité de «proposer des prix abordables aux familles», si possible pour attirer «les touristes autochtones qui ne souffrent pas du franc fort».

Présente lors de cette assemblée générale, la conseillère fédérale Doris Leuthard […] «a encouragé la Fédération suisse du tourisme à relever les défis par l’innovation, la qualité et la mise en réseau.

Selon l’Argovienne, un bon rapport qualité-prix et des offres de qualité, axées sur la clientèle, sont les clés d’un avenir prometteur pour la branche».

Un second article, dans l’édition du 25 août du même journal, précise le bilan: les nuitées passées par la clientèle étrangère au premier semestre ont reculé de 1,9%, alors que celles des indigènes ont augmenté de 0,9%. Mme Barbara Gisi, directrice de la FST, mentionne la solidarité des Suisses: «Ils ont peut-être vu l’économie du tourisme en peine après l’abolition du taux plancher.» La hausse s’est toutefois manifestée dans les seules régions romandes et autour du lac des Quatre Cantons. La région bernoise enregistre même une baisse de 30% de la fréquentation indigène!

Les constatations statistiques de la FST sont discutables: la majorité des réservations pour les vacances d’hiver ont été faites avant le 15 janvier. L’impact de la suppression du taux plancher durant le premier semestre a donc été limité et les éventuels effets restent encore à venir. La chèreté du franc n’est pas seule en cause: la météo calamiteuse de l’été 2014 a poussé plus d’un à planifier ses vacances d’été dans des contrées statistiquement plus ensoleillée, même si l’été 2015 leur a ensuite donné tort.

Nous doutons ensuite de la solidarité des indigènes pour l’hôtellerie suisse espérée par Mme Gisi. S’ils ont compris la leçon martelée par Mme Leuthard sur «l’ilot de cherté» suisse, ils privilégient le coût plutôt que la provenance. Le «tourisme de Dijon» étant un principe difficilement applicable, plusieurs de nos connaissances ont saisi l’aubaine de passer l’été en Europe ou de réserver à prix canon leurs prochaines vacances d’hiver en Autriche. Les reproches faits au tourisme suisse d’un accueil peu sympathique, d’une restauration chère ou insipide, voire peu ragoûtante, d’infrastructures vieillottes et peu diversifiées, étaient auparavant acceptés comme le prix de la proximité. La baisse de l’euro n’a fait qu’apporter l’ultime argument pour passer sur l’inconvénient de destinations plus lointaines.

Les recommandations de Mme Leuthard à la branche sont tout simplement risibles. Quelles solutions propose Madame «yaka» pour améliorer le rapport qualité/ prix? Nous souhaitons que le tourisme soit préservé de celles introduites avec le Cassis de Dijon, qui piétine les normes suisses et diminue la qualité des produits alimentaires sans en réduire les prix!

Enfin, se référer au monde paysan, comme le fait M. de Buman, pour appeler le tourisme suisse à «tirer à la même corde» dénote du parfait contre-exemple. Les paysans sont des indépendants, par nature difficiles à fédérer. Leurs organisations faîtières sont souvent en désaccord et ont, sur le plan politique, tout au plus réussi à ralentir la dégringolade. Le nombre d’exploitations ne cesse de se réduire et beaucoup de celles-ci survivent grâce aux paiements directs et non de la vente de leur production. L’effondrement actuel des prix agricoles sur le marché européen, associé à un taux de change défavorable, font du paysan suisse un crève-la-faim. Est-ce l’avenir auquel M. de Buman aspire pour les acteurs du tourisme suisse? 

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