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Référendum contre le diagnostic préimplantatoire

Denis Ramelet
La Nation n° 2028 2 octobre 2015

Lors des votations fédérales du 14 juin dernier, le peuple et les cantons suisses ont approuvé la modification de l’article 119 alinéa 2 lettre c de la Constitution fédérale traitant de la procréation médicalement assistée. Nous avions appelé à rejeter cette modification.1

Rappelons que cette modification consiste dans le remplacement, à l’article précité, de quatre mots par six autres mots. L’ancien texte disposait: «(…) ne peuvent être développés hors du corps de la femme jusqu’au stade d’embryon que le nombre d’ovules humains pouvant être immédiatement implantés ». Le nouveau texte dispose quant à lui: «(…) ne peuvent être développés hors du corps de la femme jusqu’au stade d’embryon que le nombre d’ovules humains nécessaires à la procréation médicalement assistée ».

En vue de la mise en œuvre de cette modification constitutionnelle, le Parlement fédéral avait adopté, préalablement à la votation populaire, une véritable refonte de loi fédérale sur la procréation médicalement assistée (LPMA) – près de trente articles ajoutés ou modifiés – allant beaucoup plus loin que le projet du Conseil fédéral dans le sens de la libéralisation du diagnostic préimplantatoire (DPI).

Si la modification constitutionnelle avait été rejetée, cette refonte serait passée à la trappe. Mais puisque la modification constitutionnelle a été approuvée, la révision de la LPMA a été publiée le 1er septembre dans la Feuille fédérale. Un certain nombre d’associations de défense des personnes handicapée (telles Insieme et Cerebral), deux partis (UDF et PEV) et une cinquantaine de parlementaires fédéraux (de gauche comme de droite) ont décidé de lancer le référendum contre cette révision ultra-libérale de la LPMA.

Dans les paragraphes qui suivent, nous reprenons l’argumentation déjà développée dans notre article du mois de mai.

Avant de passer en revue les principales modifications apportées à la LPMA, il est nécessaire de rappeler les premières étapes de la conception. Tout commence par l’«imprégnation», c’est-à-dire la pénétration du spermatozoïde dans l’ovule. Il faut attendre une quinzaine d’heures pour que les noyaux de ces deux cellules fusionnent. Avant la fusion des noyaux, on parle d’«ovule imprégné»; à partir de la fusion des noyaux, on parle d’«embryon». La «migration» de l’embryon dans la trompe en direction de l’utérus dure environ cinq jours. Aux alentours du sixième jour intervient la «nidation» de l’embryon dans l’utérus.

La loi actuelle dispose: «Ne peuvent être développés hors du corps de la femme jusqu’au stade d’embryon que le nombre d’ovules imprégnés nécessaire pour induire une grossesse durant un cycle de la femme; ce nombre ne peut être supérieur à trois.» (art. 17 al. 1 LPMA) Il est interdit de développer in vitro un embryon au-delà du stade propice à la nidation (al. 2). Il est également interdit de congeler des embryons (al. 3). La loi actuelle autorise la congélation d’ovules imprégnés, mais seulement pour une durée de cinq ans (art. 16). Enfin, la loi actuelle prohibe le DPI: «Le prélèvement d’une ou plusieurs cellules sur un embryon in vitro et leur analyse sont interdits.» (art. 5 al. 3)

A l’origine, les techniques de PMA ont été développées pour résoudre certains problèmes de stérilité et permettre ainsi à certains couples qui en sont empêchés d’avoir des enfants. Puis, le développement du «génie génétique» a permis de trouver dans les gènes l’origine de certaines maladies.

Le but du DPI est de soumettre les embryons à un «contrôle de qualité» avant de les implanter dans le corps de la femme, pour éviter que se pose ultérieurement la délicate question de l’éventuel avortement d’un embryon «défectueux». Alors que le Conseil fédéral souhaitait réserver le recours au DPI aux couples dont l’un des membres se sait porteur d’une grave maladie héréditaire (entre 50 et 100 cas par année), le Parlement a choisi d’ouvrir le DPI à tous les couples qui recourent à la PMA (environ 6’000 cas par année), même ceux qui y recourent à cause d’un «simple» problème de stérilité, sans que l’un ou l’autre membre du couple ne soit porteur d’une grave maladie héréditaire. On peut parier que, à brève échéance, des couples qui n’ont ni problème de stérilité ni maladie héréditaire grave revendiqueront, au nom de l’égalité de traitement, le droit de recourir à la PMA et au DPI, dans le but de s’assurer que leur enfant sera «génétiquement correct».

Dans l’état actuel de la technique, pour qu’une PMA avec DPI ait des chances raisonnables de déboucher sur une naissance, il faut développer au moins une dizaine d’embryons in vitro. La nouvelle loi ferait donc sauter les principaux garde-fous contenus dans la loi actuelle:

– on pourrait développer in vitro jusqu’à douze embryons;

– les embryons pourraient être congelés;

– la durée de conservation serait allongée à dix ans.

Avec 6’000 traitements par année et une réglementation aussi laxiste, nous aurions rapidement en Suisse des dizaines de milliers d’embryons congelés, dont les neuf dixièmes seraient condamnés à une triste fin (art. 16 al. 4 de la nouvelle loi): soit leur destruction pure et simple, soit leur utilisation pour la recherche scientifique, comme de vulgaires animaux de laboratoire.

Au motif d’«épargner aux couples une décision difficile»2 – celle d’avorter ou non un embryon «défectueux» – on veut donner à un scientifique dans son laboratoire le pouvoir de décider de la vie et de la mort des embryons: c’est lui qui jugerait souverainement lesquels sont dignes de vivre, lesquels sont condamnés à la mort immédiate et lesquels obtiennent le sursis de la congélation.

En outre, le comité interpartis d’opposition à la modification constitutionnelle approuvée en juin faisait valoir l’argument suivant, qui reste valable: «Aujourd’hui déjà, les parents sont soumis à une forte pression de justification lorsqu’ils refusent d’avoir recours à un examen prénatal ou refusent une interruption de grossesse malgré un embryon non conforme à la norme. […] La seule mise à disposition de la procédure du DPI engendrera une pression sociale pour l’utiliser.»3 L’autorisation du DPI renforcerait à coup sûr la mentalité eugéniste de notre société.

En résumé: au lieu d’éliminer la maladie, le DPI élimine le malade. C’est donc tout le contraire d’un acte médical.

Pour tous ces motifs, nous invitons nos lecteurs à signer et faire signer la feuille de référendum encartée dans le présent numéro.

Notes:

1  «NON au diagnostic préimplantatoire», La Nation no 2018, du 15 mai 2015.

2 Page 12 de la brochure explicative du Conseil fédéral en vue des votations de juin 2015.

3 www.non-au-dpi.ch/argumentaire 

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