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Petit exercice de centralisation à l’usage des honnêtes Vaudois

Olivier Klunge
La Nation n° 2028 2 octobre 2015

L'édition de 24 heures du 9 septembre dernier nous apprenait que l’Office fédéral du développement territorial (ARE) avait fait recours contre le plan général d’affectation (PGA) de Montreux, car ce dernier prévoyait une compensation des nouvelles zones à bâtir avec des zones à bâtir créées avant la LAT de 1979 qui ne sont, aux yeux de l’Office fédéral, plus considérées légalement comme constructibles. Le 16 juin, la Municipalité de Montreux et le Conseil d’Etat avaient pourtant présenté ce plan comme exemplaire et comme premier PGA vaudois conforme à la nouvelle LAT.

«Je suis scandalisée! Les mots me manquent. Nous nous étions mises d’accord avec Doris Leuthard, il y a deux semaines à peine à Berne. Elle semblait avoir bien compris les contingences de notre canton en plein développement», a déclaré Jacqueline de Quattro.

Notre conseillère d’Etat est une politicienne honnête. Elle ne peut concevoir qu’une conseillère fédérale puisse ne pas respecter ses promesses. Elle avait visiblement déjà cru à la fameuse lettre envoyée par cette même politicienne au Conseil d’Etat avant la votation. Jacqueline de Quattro avait alors soutenu cette révision législative. Elle avait dû déchanter à la publication de l’ordonnance d’application1. Les promesses de Mme Leuthard n’engagent que ceux qui les croient.

Si notre conseillère d’Etat avait traité d’aménagement du territoire dans sa pratique d’avocate, elle n’aurait certainement pas été aussi surprise. En effet, le Tribunal fédéral a développé une jurisprudence importante qui précise que les zones constructibles déterminées par des plans d’affectation qui ont été adoptés avant l’entrée en vigueur de la LAT en 1980 (et parfois même après) et qui ne sont pas conformes à ses principes ne sont pas considérées comme des zones à bâtir au sens de cette loi. Les cantons sont d’ailleurs généralement contents d’invoquer cette règle prétoriale pour refuser toute indemnité dans ces cas qualifiés de «refus de classement en zone à bâtir» et non de déclassements.

De même, notre Haute Cour estime qu’un propriétaire, n’ayant développé aucun projet de construction sur sa parcelle dans un délai d’une quinzaine d’années depuis sa mise en zone, n’a droit à aucune indemnité en cas de déclassement, car il a démontré qu’il n’avait pas l’intention de faire usage des droits alloués, d’autant que la mise en zone vise à la construction dans un délai de dix à quinze ans.

La position de l’ARE concernant Montreux est certes incompréhensible par rapport à l’un des buts fixés par la LAT qui est de densifier les villes, mais parfaitement logique en termes juridiques et peu surprenante de la part d’un office qui a montré son dogmatisme aménagiste et qui n’a donc que faire des contingences cantonales.

Le recours au Tribunal fédéral annoncé par Mme de Quattro risque de n’avoir pour effet que des coûts pour la collectivité.

Si notre conseillère d’Etat avait étudié le texte légal soumis à l’approbation du peuple, elle ne serait pas non plus surprise que les mots de la conseillère fédérale soient sans influence sur la position de la Confédération. En effet, la révision législative donne expressément le pouvoir aux techniciens de décider du «classement de terrains en zone à bâtir, notamment pour la manière de calculer le besoin de telles zones». C’est donc l’administration qui décide2.

Le nouveau PGA de Montreux n’est que le cas le plus frappant de nombreuses interventions des ayatollahs de l’ARE dans la politique territoriale vaudoise. Ces ingérences prouvent que la révision de la LAT adoptée en 2013 est centralisatrice, inconséquente, technocratique et pernicieuse.

Dans le contexte actuel, nous proposons quelques actions à entreprendre immédiatement:

– Pour l’Etat de Vaud, non seulement soutenir toute tentative au niveau du parlement fédéral et de la conférence des directeurs cantonaux pour revenir sur les nombreuses dispositions délétères de cette loi, mais également mettre tous les moyens en œuvre pour faire adopter aussi rapidement que possible un nouveau plan directeur cantonal et un système de compensation des avantages et inconvénients majeurs des mesures d’aménagement (taxation des plus-values liées à un classement). Si ce n’est pas fait d’ici trois ans et demi, plus aucune nouvelle zone à bâtir ne pourra être créée dans le Canton, avec ou sans compensation.

– Pour les particuliers détenant des terrains en zone à bâtir, déposer immédiatement une demande de permis de construire.

– Et pour tous les citoyens, réfléchir à deux fois avant de voter en faveur du transfert d’une nouvelle tâche, même minime, à la Confédération.

Notes:

1 Notre article du 30 mai 2014, La Nation no 1994.

2 Notre article du 8 février 2013, La Nation no 1960.

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