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Deux référendums contre la loi sur le CO2

Antoine Rochat
La Nation n° 2162 20 novembre 2020

Deux référendums ont été lancés contre la loi fédérale sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ou loi sur le CO21, l’un par le mouvement «grève du climat» et des partis d’extrême gauche, et l’autre par les milieux économiques et l’Union démocratique du centre (UDC). Faut-il en déduire qu’il s’agirait d’une loi du juste milieu? Ce n’est pas notre avis.

Brève présentation de la loi

Adoptée par les Chambres fédérales lors de la session de septembre dernier, la loi sur le CO2 compte plus de huitante articles et elle se veut ambitieuse. Elle «vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre, en particulier les émissions de CO2 dues à l’utilisation des combustibles et carburants fossiles»2.

Les mesures techniques cherchant à réduire les émissions de CO2 concerneront les bâtiments et les véhicules. Un système d’échange des quotas d’émission sera mis en place.

De nouvelles taxes seront perçues sur les combustibles et sur les carburants, ainsi que sur les billets d’avion et sur l’aviation en général.

Un fonds pour le climat sera créé pour redistribuer une partie du produit des nouvelles taxes. Des sanctions pénales sont prévues en cas d’infraction à la loi.

Le référendum «de gauche»

Selon le site internet du mouvement Solidarités que nous avons consulté3, le référendum «de gauche» repose sur plusieurs arguments:

- les objectifs fixés dans la loi restent largement en deçà de ce que l’urgence climatique exige;

- la loi est socialement injuste, puisqu’elle péjorera avant tout le budget des personnes les moins riches;

- elle offre une bonne conscience écologique à l’économie et aux partis de gouvernement.

En résumé, le référendum «de gauche» estime que la loi est insuffisante sur le plan écologique et injuste sur le plan social.

Le référendum «de droite»

Les principaux arguments des milieux économiques (ACS, ASTAG, UPSA, Centre Patronal, …) et de l’UDC sont les suivants:

- la loi est coûteuse: hausse massive du prix de l’essence et du mazout, taxe élevée sur les billets d’avion;

- elle n’aura aucune incidence notable sur le climat: les émissions de CO2 de la Suisse ne représentent qu’un millième des émissions mondiales;

- la loi crée une nouvelle bureaucratie, qualifiée par certains «d’usine à gaz»;

- la Suisse a déjà réduit ses émissions de CO2 de manière importante depuis 1990.

En bref, la loi sur le CO2 est jugée par le comité référendaire «de droite» comme coûteuse et inefficace.

Notre appréciation

Nous constatons que les milieux référendaires des deux bords se rejoignent pour estimer que la loi sur le CO2 sera inefficace et qu’elle manquera sa cible4.

Nous soulignons en outre que les mesures relatives à la consommation d’énergie des bâtiments empiètent sur les compétences des cantons. Le Message du Conseil fédéral le reconnaît à mots couverts: si les mesures mises en place par les cantons sont insuffisantes, «la Confédération serait alors autorisée à légiférer dans un domaine de compétence des cantons». Cela ne constituerait «qu’une ingérence ponctuelle dans la souveraineté cantonale»5; une ingérence ponctuelle, certes, mais une ingérence tout de même, et un fâcheux précédent. A nos yeux, ce motif est suffisant à lui seul pour rejeter la loi.

Enfin, nous jugeons absurde la règle selon laquelle trois quarts de la réduction des émissions de gaz à effet de serre doivent être réalisés par des mesures prises en Suisse6, alors que celles prises à l’étranger seraient jusqu’à cinq fois plus efficaces pour un coût équivalent. Cette manifestation du perfectionnisme helvétique nous paraît d’une folle prétention.

Conclusions

Que proposez-vous face à «l’urgence climatique», me direz-vous? Plutôt que d’introduire des taxes inéquitables et une nouvelle couche de bureaucratie, encourageons la recherche, l’innovation et le développement de nouvelles techniques, poursuivons la transition énergétique déjà engagée, et coordonnons les actions de la Suisse avec celles de l’étranger.

L’écologie ne saurait justifier une centralisation accrue. Nous voyons même une contradiction flagrante entre le fait de vanter sans cesse le local et de vouloir en même temps vider les réalités cantonales de leur substance.

La loi sur le CO2 sera un bon test de la mise en œuvre, ou non, de la «vague verte» dont la presse a tant parlé. Pour que le souverain puisse se prononcer sur cet objet important, signez et faites signer le référendum «de droite» au moyen de la liste encartée dans ce journal, ou celui «de gauche» si vous préférez!

Notes:

1    Le texte de la loi est consultable dans la Feuille fédérale 2020, aux pages 7607 et suivantes.

2    Loi sur le CO2, article premier, alinéa 1.

3    https://solidarites.ch/2020/10/02-loico2-solidarites-soutient-le-referendum/.

4    Rappelons que les paraphes des deux référendums s’additionnent pour parvenir aux 50’000 signatures requises.

5    FF 2018, p. 356.

6    Loi sur le CO2, article 3, alinéa 2.

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