Arthur Honegger le renouveau

Entendre trois œuvres majeures du compositeur suisse en moins d’une semaine et sur terre vaudoise (sans compter au mois d’août Le Roi David à Mézières pour les 100 ans de sa création), voilà qui est au sens premier inouï. Il y a d’abord eu, dans le cadre du récent Septembre musical de Montreux et à l’Auditorium Stravinski, l’imposante et puissante 3^e Symphonie, dite «Liturgique», dans une exécution qui nous a paru remarquable de vitalité par l’Orchestre de la Suisse romande emmené par son chef titulaire Jonathan Nott, puis, deux jours plus tard, toujours dans le même cadre mais à la salle del Castillo à Vevey, la Camerata Bern donnait, sous la conduite de son 1^er violon, la 2^e Symphonie pour cordes et trompette dans une excellente interprétation chambriste; enfin, l’Ensemble vocal de Lausanne et l’orchestre Sinfonietta se sont unis le 23 septembre à la salle Métropole de Lausanne pour exécuter, sous la direction de Daniel Reuss, l’oratorio Cris du monde (écrit en 1930-31 sur un livret de René Bizet, inspiré par l’Hymne à la solitude de John Keats), œuvre quasiment jamais jouée, mais, paraît-il, chère au cœur de son auteur. Dans sa biographie parue aux Editions Fayard, Harry Halbreich écrit que «pour la première fois Honegger [y] exprime ce terrible pessimisme qui dominera ses dernières symphonies»; le message sombre véhiculé par cet oratorio «s’ajoutant à un langage musical âpre et tendu […] explique que Cris du monde ne sera sans doute jamais une œuvre populaire.» Bravo donc aux deux ensembles lausannois d’avoir eu l’audace de le programmer!

Il reste maintenant à souhaiter que tout cela ne soit pas qu’un feu de paille et que l’œuvre d’Honegger sorte enfin d’un trop long purgatoire.