Fiscalité: une évidence et des pistes de réflexion
Le Forum de l’économie vaudoise, fin septembre, a traité de sujets fiscaux. C’était l’occasion de mettre le doigt sur des anomalies des règles actuelles, d’évoquer les contraintes internationales qui menacent la Suisse et ses cantons et de suggérer des pistes pour l’avenir.
L’évidence d’abord: l’impôt sur la fortune, particulièrement dans le canton de Vaud, décourage l’entrepreneur. Non seulement cet impôt est généralement inconnu à l’étranger (et on fait des discours sur l’importance concurrentielle des «conditions-cadre»…), non seulement le taux vaudois est très élevé (le plus haut de Suisse avec Genève), mais l’entreprise est valorisée fiscalement à partir de son rendement selon un ratio très sévère.
M. Marc Ehrlich, entrepreneur lui-même, a su démontrer cela de façon incontestable; il a même pu affirmer, puisque la plus-value d’un capital n’est pas imposée, qu’il est préférable fiscalement pour un patron de vendre son entreprise plutôt que de continuer à la développer. On sait d’ailleurs que certains chefs d’entreprise supportaient un impôt si lourd, les actions de leur société ayant pris de la valeur, que leur rendement ne suffisait plus à payer l’impôt sur la fortune; il a fallu alors passer une convention avec le fisc pour modérer son appétit, sur la base d’un principe supérieur de droit non écrit qui interdit une imposition confiscatoire. Etrange construction juridique pour corriger un effet scandaleux de la loi! Le PLR vaudois, dans sa campagne électorale, mettra-t-il enfin à son programme la baisse de l’impôt sur la fortune et la révision des règles de valorisation de l’entreprise?
Quittons le Canton pour les sphères internationales. Les normes décrétées par l’OCDE et d’autres organismes promettent, pour 2023 peut-être déjà, l’instauration d’un taux minimal de l’impôt sur le bénéfice de 15% et la répartition de cet impôt entre les Etats où les multinationales sont actives, la localisation du siège juridique n’étant plus déterminante. Ce n’est pas encore fait, certes, car la mise au point est difficile et l’Irlande renâcle – et pour cause! Pour la Suisse et ses cantons, il faudra rehausser une nouvelle fois le taux de cet impôt (sous peine que la différence soit perçue ailleurs), et surtout renoncer au traitement particulier des dépenses de recherche et développement qui allège sensiblement la facture fiscale. Fin de l’attrait des contrées helvétiques pour les multinationales? On planche sur des mesures compensatoires sous forme de subventions à la formation ou à la recherche: remplacer des allègements fiscaux par des subsides? Beau progrès.
Quant à des innovations plus radicales, deux orateurs ont défendu des projets intéressants, mais inconciliables! M. Pierre-Marie Glauser plaide pour une taxe climatique perçue en supplément de la TVA sur les biens et les services polluants. Et M. Marc Chesney prône le prélèvement d’une micro-taxe sur les transactions électroniques, si immensément nombreuses et substantielles qu’une perception ultra-légère (0,5 ‰ par exemple) rapporterait de quoi supprimer l’impôt fédéral direct… et la TVA.
A première vue, notre préférence va à la micro-taxe. Car nous ne croyons guère à l’efficacité des taxes incitatives, souvent absorbées par le consommateur; de plus, pour qu’elles ne créent pas d’injustice, elles doivent être réservées aux cas où il existe une solution de remplacement raisonnablement praticable; enfin, la définition des biens et services «polluants» promet un casse-tête: la viande dont la production nuirait à l’environnement? les transports collectifs utilisant l’essence (c’est pourtant mieux que les transports individuels…)? la vente par correspondance à cause des emballages? La micro-taxe paraît plus neutre… et plus rentable. Et si les grandes banques s’y opposent parce que leurs multiples transactions boursières, opérées automatiquement à la nanoseconde, seraient frappées, cette relative pénalisation de la jonglerie financière ne nous attristerait pas vraiment.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Valeyres 2021 – Editorial, Félicien Monnier
- Portes ouvertes à Cergnement – Lionel Hort
- Le monde des insectes – Lars Klawonn
- Morerod aux bottes de sept lieues – Yves Guignard
- Les vies multiples de Bertil Galland – Jean-Blaise Rochat
- Eloge de la répression – Olivier Delacrétaz
- Afghanistan, cimetière des forces morales – Edouard Hediger
- Arthur Honegger le renouveau – Frédéric Monnier
- Occident express 91 – David Laufer
- Incitation à la vertu – Le Coin du Ronchon