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Approvisionnement alimentaire: un équilibre à conserver

Loïc Bardet
La Nation n° 2200 6 mai 2022

Le taux d’auto-approvisionnement est un élément revenant régulièrement sur la table des discussions en lien avec la politique agricole. Le fait de conserver un ratio supérieur à 50% a notamment été un élément central en faveur de l’inscription de la sécurité alimentaire dans la Constitution fédérale en 2017. Il a également été un argument fort en faveur de la suspension du traitement parlementaire de la nouvelle politique agricole, la PA22+, en mars 2021. Et il va sans dire que le tragique contexte actuel renforce la nécessité de maintenir une certaine autosuffisance alimentaire, et ce même si la Suisse n’a évidemment jamais vécu en autarcie.

Avant toute chose, il vaut la peine de définir ce qui se cache derrière la notion de taux d’auto-approvisionnement et surtout comment il est calculé. Le rapport agricole de l’Office fédéral de l’agriculture le définit comme la part de la production nationale dans la consommation totale de denrées alimentaires. Cette dernière se compose de l’addition de la production indigène et des importations, soustraction faite des exportations et des variations de stock. Enfin, une différence est faite entre le taux brut et le taux net, celui-ci prenant en compte les importations de fourrages.

Depuis plusieurs années, l’autosuffisance alimentaire diminue régulièrement et le taux d’auto-approvisionnement net flirte dangereusement avec la barre des 50%. Il est même passé en-dessous pour la première fois en 2016 avec un taux de 48%. En allant dans le détail, on peut constater une part indigène d’environ 40% en production végétale et une autosuffisance alimentaire supérieure à la demande uniquement pour les produits laitiers. On peut ici relever le cas du beurre passé en quelques années du surplus à l’insuffisance pour différentes raisons dont le fait qu’il peut être paradoxalement plus intéressant de produire certains fromages, y compris ceux à faible valeur ajoutée. Enfin, le secteur de la volaille, tant pour la viande que pour les œufs, connaît une évolution positive avec dorénavant une part prépondérante de production indigène.

Si, comme déjà dit, il est illusoire et non nécessaire de viser l’autonomie absolue, la répétition des crises de ces dernières années a montré l’importance de garantir une base de production locale. Ainsi, il faut par exemple se souvenir du blocage provisoire par nos pays voisins de masques pourtant commandés selon des relations contractuelles claires au début de la pandémie de Covid. Il n’y a aucune raison de penser qu’il se passerait autre chose, bien au contraire, si la situation devait devenir réellement tendue sur les marchés des denrées alimentaires. Or, la météo compliquée de l’année 2021 ainsi que la guerre en Ukraine montrent bien que cette hypothèse ne doit pas être écartée d’un revers de main.

Dans cette situation, il est essentiel d’avoir une politique agricole cohérente et d’éviter de prendre certaines décisions affaiblissant la production indigène. La décision du Conseil fédéral, le 13 avril dernier, d’obliger dès 2024 un minimum de 3,5% de surfaces de promotion de la biodiversité sur nos terres les plus productives est incompréhensible; ceci alors que l’Union européenne autorise la mise en culture de certaines surfaces écologiques pour compenser les conséquences négatives des combats actuellement dans le grenier à blé du continent, et que l’agriculture suisse consacre déjà près d’un cinquième de la surface agricole utile aux mesures spécifiquement liées à la biodiversité. Il en va de même de la fixation d’un objectif de réduction de 20% des pertes en azote et en phosphore, alors que le message au Parlement sur la PA22+ lui-même montrait que cet objectif est peu réaliste.

A moyen terme, d’autres éléments politiques pourraient également peser sur la production agricole indigène. Ainsi, un train de mesures concernant la protection des eaux et introduisant des restrictions supplémentaires en termes de protection des cultures est en préparation. Par ailleurs, plusieurs initiatives populaires sont en cours de traitement au Parlement ou en attente de passer en votation, à commencer par une initiative sur l’élevage. Celle-ci, qui pourrait être présentée au souverain en septembre déjà, veut imposer au minimum les normes 2018 de Bio Suisse en ce qui concerne la détention des animaux. Or la volaille serait, avec les porcs, la production la plus touchée, alors que la demande des consommateurs est là et surtout que l’agriculture suisse y répond, comme le montre l’évolution du taux d’auto-approvisionnement. Ces différents exemples ont ou auraient pour conséquences de diminuer la production agricole indigène et d’augmenter encore notre dépendance aux importations, alors que nous mangeons déjà environ un jour sur deux des aliments étrangers.

Le développement durable est essentiel, et il doit justement être durable et donc tenir compte non seulement des aspects écologiques mais également économiques et sociaux. Il en va de notre sécurité de l’approvisionnement et donc de notre sécurité à long terme.

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