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Vieillir, hier et aujourd’hui

Benoît de Mestral
La Nation n° 2246 9 février 2024

Le 3 mars prochain, nous voterons sur deux projets touchant les retraites: l’initiative de l’USS pour la 13e rente, et celle des JLR sur l’indexation de l’âge de la retraite. La première a déjà fait l’objet de l’éditorial de La Nation no 2245; il ne sera ici question que de la seconde. La proposition est la suivante: augmenter, pour les deux sexes, l’âge de la retraite de deux mois par an jusqu’à ce qu’il atteigne 66 ans (soit en 2033), puis continuer à le faire augmenter, un peu plus lentement que l’espérance de vie, à raison de deux mois par an au maximum.

En 1981, l’espérance de vie à soixante-cinq ans était de quatorze ans pour les hommes, dix-huit pour les femmes. Le Vaudois moyen d’alors, ne faisant ni gymnase ni université mais commençant à travailler dès son apprentissage, pouvait donc compter sur une carrière de cinquante ans pour mettre de côté de quoi profiter de ses vieux jours.

Aujourd’hui, ces nombres sont de vingt ans pour les hommes, et vingt-deux et demi pour les femmes. Il faut donc mettre de côté quarante-trois pour cent de plus (!) pour Monsieur, et vingt-cinq pour cent de plus pour Madame. Puisque le Vaudois moyen d’aujourd’hui fait le gymnase et l’université, il commence à travailler plus tard. Parfois bien plus tard, le temps de se tromper une ou deux fois de voie d’études: au niveau fédéral, neuf pour cent des personnes âgées de trente ans sont encore en formation. Pour plus d’un tiers de la population, l’entrée dans la vie active a lieu au mieux à vingt-cinq ans, ce qui signifie une carrière d’au maximum quarante ans. Le calcul est élémentaire: pour se permettre vingt ans de retraite en économisant quarante ans, il faut mettre de côté un quart de son revenu. En comptant l’épargne forcée et l’épargne volontaire, ce taux moyen n’a été atteint (et de justesse) qu’en 2020 et 2021.

Puisque la majorité des ménages ne parvient pas à épargner suffisamment, même en prenant en compte l’épargne forcée par les fonds de pension, l’AVS intervient afin de «combler le trou». Ce système est sérieusement mis en péril par deux facteurs: le vieillissement de la population et le raccourcissement des carrières. Sur le premier point, il n’est un secret pour personne que l’arrivée à la retraite de la génération des baby boomers, très nombreux, va mettre à mal les comptes de l’AVS. Le vieillissement d’une tranche anormalement nombreuse de la population est un phénomène contre lequel on ne peut naturellement pas lutter. Sur le second point en revanche, il est possible d’agir. Si la formation comme l’espérance de vie s’allongent considérablement, le maintien de l’âge de la retraite fixe à soixante-cinq ans ne se justifie pas. Nous sommes passés d’un modèle «quinze ans d’école, cinquante ans de travail, quinze ans de retraite» à un modèle «trente ans d’école, quarante ans de travail, vingt ans de retraite». Nul besoin d’être bon en mathématiques pour comprendre que nous allons rapidement avoir un problème.

Le modèle proposé par l’initiative est un début de solution, et offrira un peu de stabilité et de durabilité au système. L’augmentation de l’âge de la retraite sera lente, l’impact de quelques mois de travail de plus d’une volée de retraités à l’autre négligeable, et l’impact sur les finances de l’AVS sensible. Nous voterons donc OUI, non sans toutefois regretter que cette initiative n’adopte pas un système basé sur les années de cotisation, comme celui que propose le Centre Patronal. Il n’existe pas de raison valable pour qu’un boucher qui travaille depuis le début de son apprentissage à quinze ans, et un fonctionnaire qui a commencé à travailler à trente-trois ans après une double formation, prennent leur retraite au même âge.

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