Jamais contents!
Dans notre dernière chronique, nous avons évoqué cet argument décisif en faveur du développement des autoroutes, à savoir que les travaux nécessaires permettent, avec un peu de dextérité de la part des ouvriers, de couper les câbles de diffusion de notre très chère radio-télévision d’Etat.
Entre-temps, un autre argument non moins décisif est venu s’y ajouter: les autoroutes vont désormais aussi servir à faire décoller et atterrir des avions militaires. L’annonce de l’exercice que les Forces aériennes mèneront en juin prochain sur l’autoroute A1 entre Payerne et Avenches a en effet constitué le point fort de l’actualité médiatique des deux dernières semaines (éclipsant presque les manifestations des agriculteurs en France, lesquels ont entrepris, eux aussi, de s’entraîner sur les autoroutes, ce qui confirme définitivement le caractère indispensable de ces dernières).
La présence des avions de chasse sur les autoroutes helvétiques va évidemment fâcher la gauche rose-verte antimilitariste: ceux-là mêmes qui rêvent de paralyser le trafic automobile ne supportent pas l’idée que ce soit l’armée qui s’en charge. Si l’on y réfléchit bien, il est dans la nature même de la gauche rose-verte antimilitariste d’être toujours très fâchée pour à peu près tout. L’exemple le plus édifiant nous en a été fourni quelques jours plus tôt, lorsque le chef de l’Armée a décidé de renoncer à trois grandes manifestations publiques jugées trop coûteuses: on aurait pu s’attendre à des scènes de liesse chez ceux qui ne supportent pas la vue d’un uniforme; eh bien même pas! Des parlementaires socialistes ont été ulcérés de ne pas avoir pris cette décision eux-mêmes, et le GSsA a déclaré que les économies financières ainsi réalisées n’étaient qu’un prétexte pour se réarmer.
On a donc affaire à des gens qui ne sont jamais contents. Ils n’aiment pas les voitures, mais n’aiment pas l’absence de voiture si c’est à cause de l’armée. Ils n’aiment pas l’armée, mais n’aiment pas l’absence d’armée pour des raisons financières. Ils n’aiment pas l’argent, mais s’offusquent de manquer d’argent. Ils n’aiment pas le foie gras, mais seraient furieux si les oies disparaissaient. Ils n’aiment pas l’alcool, mais ne décolèreraient pas si on défrichait la moindre parcelle de vigne (surtout si c’est pour construire une nouvelle autoroute).
On voudrait leur faire plaisir qu’on ne saurait pas comment s’y prendre. Mais que Dieu nous garde d’une telle intention.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Un voyage en Asie – Editorial, Félicien Monnier
- La FINMA siège-t-elle à Francfort? – Jean-François Cavin
- Financement uniforme des soins: de quoi parle-t-on? – Jean-Hugues Busslinger
- Tous égaux – Pierre-Gabriel Bieri
- Encore les PIG – Jean-François Cavin
- Vieillir, hier et aujourd’hui – Benoît de Mestral
- Les mesures de M. Attal – Olivier Delacrétaz
- La politique du mot-clef – Benoît de Mestral
- Malaise dans la civilisation – Jacques Perrin
- L’ogre et le marchand – Benoît de Mestral