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Même une horloge cassée…

Benoît de Mestral
La Nation n° 2256 28 juin 2024

Il est rare que le travail de l’Assemblée fédérale soit satisfaisant. Saisissons donc cette occasion de relever l’une de ses récentes bonnes actions. A la suite de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme condamnant la Confédération face aux «aînées pour le climat», les deux Chambres ont adopté une même déclaration, par 111 voix contre 72 au National et 31 contre 11 aux Etats.

Sans mettre en doute l’importance et la légitimité de la Cour, l’Assemblée reconnaît que celle-ci, en voulant jouer avec la limite entre le législatif et le judiciaire, a outrepassé ses compétences; qu’elle donne l’apparence de l’avoir fait par activisme; que cette seule apparence nuit à la reconnaissance de l’institution, et est voulue; qu’un manque de reconnaissance nuirait à la protection des droits de l’Homme. En somme, l’Assemblée adopte une position similaire à celle de la Ligue vaudoise (cf. l’éditorial du no 2251 du 19 avril 2024).

La CEDH a été adoptée peu après la guerre dans le but de garantir un socle minimal de droits fondamentaux en Europe. Elle est immuable. Et elle crée une Cour censée vérifier que les parties signataires garantissent effectivement ces droits. Très rapidement, la Cour s’est permis d’outrepasser la volonté des parties signataires et de faire de l’immuable convention un «instrument vivant» devant bénéficier d’une interprétation dynamique. C’est ainsi qu’elle a pu, à partir de l’art. 8, condamner la Suisse pour «inaction climatique», comme l’ont rapporté certains journaux. Le texte de la convention conditionne l’ingérence de l’Etat dans la vie privée et familiale, le domicile et la correspondance; la Cour en a fait le droit d’exiger de l’Etat une quantité de choses, dont le respect de conventions non-contraignantes.

Il n’est pas nouveau que la Cour s’octroie elle-même de nouvelles compétences, manifestant un manque de considération abject pour la souveraineté des pays l’ayant constituée. Cette décision semble pourtant marquer un tournant dans l’opinion publique en Suisse. Six ans après le rejet de l’initiative pour l’autodétermination, la légitimité de la CEDH est tombée si bas que les deux Chambres se permettent de la rappeler à l’ordre; ses partisans se permettent de dire «dénoncez la convention ou taisez-vous», ce dont ses opposants discutent de plus en plus. Les juges étrangers ont-ils cette fois poussé le bouchon un peu trop loin?

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