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Pas de proportionnelle dans nos villages

Félicien MonnierEditorial
La Nation n° 2256 28 juin 2024

Dimanche 4 septembre 2011, les Vaudois obligèrent les communes de plus de trois mille habitants à élire leur conseil communal au scrutin proportionnel. Jusque-là, toutes avaient le libre choix de leur système électoral.

Cette initiative émanait directement du Grand Conseil, contre les avis de l’ADCV et de l’UCV. Cette limite s’inscrivait dans cette détestable approche qui fixa un jour que la commune vaudoise standard devrait compter 3’000 habitants.

Quinze communes furent concernées. Et qui dit liste dit partis. Se développèrent alors à Saint-Prex, Savigny, Chavornay ou Blonay des sections locales du PS, des Verts, du PLR…

Treize ans plus tard, Jérôme de Benedictis et 41 autres députés veulent revenir, un peu, en arrière. Par une nouvelle initiative, ils réclament que le plafond de 3’000 habitants soit élevé à 6’000. En 2011, radicaux et libéraux avaient combattu une réforme profitant, en fin de compte et à long terme, à tous les partis. Ils craignaient sans doute de perdre leur influence à la campagne où le scrutin majoritaire favorise ce qu’il y reste de notables. L’initiative de Benedictis émane des mêmes milieux, UDC et Verts-libéraux en plus.

La Ligue vaudoise est consciente que redessiner le système électoral n’est jamais sans conséquences pour ceux qui profitent ou pâtissent du statu quo. En particulier lorsque la proposition intervient en milieu de législature communale.

Il ne pourrait toutefois s’agir de «dépolitiser» les élections communales, comme certains ont pu l’écrire1. Cette expression est contradictoire. L’exercice de l’autorité dans une commune – communautaire par essence, traversée d’intérêts parfois divergents, habitée par d’autres communautés au premier chef desquelles les familles – est fondamentalement politique, quel que soit le scrutin applicable à l’élection de son titulaire. Il s’agit bien plutôt de «départisaner».

Le parti met dans une case. Il insère le candidat dans une structure dont la prétention est d’imposer un programme. Ce programme repose avant tout sur une idéologie, collectiviste, écologique, libérale, conservatrice, centriste. Ce programme a une histoire intellectuelle. Il a aussi une origine formelle, des comités directeurs, des assemblées des délégués, communales, cantonales et fédérales. La récente attaque du PLR suisse contre l’école inclusive, et la réponse de M. Frédéric Borloz, ont mis le fédéralisme en tension avec le programme du PLR. Malgré notre défiance pour l’école inclusive, cet épisode enseigne que les partis fixent des orientations au niveau fédéral, avec pour ambition de les imposer localement.

Le parti prétend créer une couche intermédiaire entre le citoyen, caractérisé par ses attaches communautaires, et la nation. Certes, il acquiert lui-même une dimension communautaire, mais principalement fondée sur une commune échelle de valeurs entre ses membres. En termes de réalités politiques, il lui sera difficile de représenter autre chose qu’un milieu social élargi. Certains partis en viennent presque à incarner l’Etat lui-même. Ce fut le cas chez nous du parti radical durant plus d’un siècle, et du parti socialiste aujourd’hui. Mais l’Etat n’est pas le pays.

Le parti impose une discipline, précisément dite «de parti». Son fonctionnement quotidien, comme sa vie interne, influencent les chances de ses membres de se faire désigner candidats. Dévouement associatif et compétences politiques en viennent à se confondre lorsqu’il s’agit de «tirer la liste», «témoigner de la reconnaissance», ou «se placer pour les cantonales».

Le parti, se considérant comme l’interlocuteur politique ultime, finira par occulter les intérêts qui traversent la communauté, de même que ceux qui les portent. Non sans susciter à son égard des suspicions d’opacité.

Simultanément, le scrutin proportionnel centré sur la liste recourt au combat idéologique comme mode de constitution des autorités. A son tour, il occulte les personnes, leur engagement et leur réseau. Il remplace une logique personnelle par une logique de placement de produit.

Cette double mise à l’écart, de la communauté comme de la personne, justifie notre opposition au scrutin proportionnel dans les villages vaudois.

Enfin, les difficultés que certains partis rencontrent dans les bourgs vaudois pour recruter les obligent à établir des listes d’entente de droite ou de gauche. Cela démontre combien en 2011 le Grand Conseil fit en réalité du forcing. Quand bien même les étiquettes sont floues, ces listes restent adossées aux structures partisanes de l’arrondissement, sinon de la commune. Pour qui postule que les institutions doivent coller aux spécificités sociales locales, repousser le seuil de trois à six mille habitants permettrait aussi de prendre en compte ces réalités. Il ne s’agit donc pas tant de revenir sur un vote du peuple que de l’affiner.

Nous suivrons attentivement le sort que les partis réserveront à l’initiative de M. de Benedictis. Elle a déjà notre soutien.

Notes:

1   Raphaël Jotterand, «Un député veut dépolitiser les élections communales», Le Temps du 28 décembre 2022.tement du Grand Conseil, contre les avis de l’ADCV et de l’UCV. Cette limite s’inscrivait dans cette détestable approche qui fixa un jour que la commune vaudoise standard devrait compter 3’000 habitants.

 

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